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Anémie

Valeurs seuils

L’hémodilution physiologique pendant la grossesse entraîne une diminution des valeurs seuils connues de l’anémie à partir de T2. L’anémie pendant la grossesse est définie par :

    • Un taux d’Hb < 11g/dL aux 1er et 3ème trimestre.
    • Un taux d’Hb < 10,5 g/dl au 2ème trimestre.

Épidémiologie

10 à 20% des femmes enceintes sont anémiées à T3 dans les pays industrialisés.

Modalités de dépistage

Selon les recommandations de la HAS de 2016 :

    • En cas de facteurs de risque* au 1er trimestre : Dépistage d’une anémie par une NFS.
    • NFS obligatoire à 6 mois (28SA), dans le bilan biologique de suivi de grossesse.

Toutes les femmes enceintes sont potentiellement à risque de carence en fer.

Les facteurs de risque d’anémie connus sont :

    • Ration alimentaire insuffisante (< 2 000 kcal/j) peu variée.
    • Conditions socio-économiques défavorables.
    • Régimes excluant des aliments d’origine animale : végétariens ou végétaliens.
    • Grande multiparité (> 3 enfants) / grossesse multiple / grossesses rapprochées.
    • Age > 35 ans.
    • IMC < 19,5.
    • Antécédent personnel d’anémie.

La présence de signes cliniques d’anémie impose également un dépistage :

    • Pâleur.
    • Tachycardie.
    • Vertiges.
    • Hypotension.
    • Dyspnée d’effort ou de repos.
    • Céphalées.
    • Asthénie.

Suivi de la grossesse

Selon la HAS, le suivi de grossesse d’une patiente ayant une anémie gravidique est classée grade A => elle peut s’effectuer selon le choix de la femme enceinte auprès : d’une sage-femme ou d’un médecin (généraliste, gynécologue médical ou gynécologue-obstétricien).

Cette directive est à moduler en fonction de la sévérité et de l’étiologie de l’anémie.

Étiologies des différents types d’anémie

L’anémie ferriprive est la plus fréquente (90%)

Elle est fréquente chez la femme enceinte à cause d’un apport alimentaire insuffisant en fer, d’une grossesse précédente ou de perte récurrente de fer au cours des menstruations avant que la femme ne soit enceinte.

Caractéristiques biologiques d’une anémie par carence martiale :

    • Hyposidérémique (Ferritine < 30 ng/mL et fer sérique <10 µmol/L).
    • Microcytaire (VGM < 80 fL).
    • Arégénérative (réticulocytes < 150 G/L). Le coefficient de saturation est diminué.
    • La VS et la CRP sont normales (ce qui élimine une anémie dû à une inflammation).
    • Habituellement, l’hématocrite est ≤ 30%.

Dans le cas d’une anémie mixte, le récepteur soluble de la transferrine (RST) peut être dosé, il sera augmenté dans le cadre d’une anémie par carence martiale.

Autres étiologies d’anémies

Lorsque l’anémie ferriprive est éliminée => d’autres étiologies doivent être recherchées
Ce tableau, tiré du site MedG.fr résume parfaitement la conduite à tenir dans ce cas.

Précisions sur l’anémie par carence en folates

Une carence en acide folique (Vit B9) augmente le risque d’anomalies du tube neural et de SAF chez les mères éthyliques chroniques. Ce déficit est présent chez 0,5 à 1,5% des femmes enceintes.

Le bilan biologique met en évidence :

    • Une anémie macrocytaire mégaloblastique arégénérative.
    • Une diminution du taux de folates sérique.

En cas de carence martiale avec supplémentation en fer inefficace, une carence associée en acide folique doit être suspectée.

Prévention : Alimentation variée enrichie en fruits et légumes verts (contiennent naturellement de la Vit B9).
Chez les femmes enceintes, l’apport nutritionnel conseillé est de 400 µg/jour.
Traitement (en cas de carence en folates avérée) : Acide folique SPECIAFOLDINE® 5mg/jour.

Précisions sur la thalassémie et la drépanocytose

Suivant l’origine géographique de la patiente (Afrique, Antilles, ou pourtour méditerranéen), il ne faut pas hésiter à demander une électrophorèse de l’hémoglobine en complément.

Besoins en fer au cours de la grossesse et prévention

Pour en savoir plus : Consulter la page Nutrition et grossesse, partie carence en fer.

Les femmes enceintes représentent une population à risque d’anémie du fait de l’augmentation physiologique des besoins en fer liée à la grossesse.
Les besoins sont doublés en cas de grossesses gémellaires.
La demande en fer augmente à mesure que la grossesse progresse.
Une alimentation normale apporte ≈ 10 à 15 mg de fer/jour. Mais seulement 5 à 10 % sont absorbés par l’organisme.
A noter que le fer d’origine animale est beaucoup mieux absorbé (30 à 40%) que le fer végétal (5%). Ce fer est absorbé au niveau des cellules du duodénum.

Substances limitant l’absorption du fer : Les phytates, le thé, le café ou le calcium.
Substances facilitant l’absorption du fer : La vitamine C.

Le total des besoins en fer pendant la grossesse est estimé à ≈ 1000 mg avec une augmentation de l’apport nutritionnel :

    • À 20 mg/jour à T1 et T2 (contre 10 mg classiquement).
    • Et à 30 mg/jour pour le 3e trimestre.

Traitements de supplémentation en fer

Seules les carences martiales avérées doivent être traitées.
Le traitement préventif systématique de la carence martiale chez la femme enceinte ne doit pas être appliqué (possible chez patientes présentant des facteurs de risque).

Liste des princeps disponibles sur le marché :

NOM des princeps per os
Indications
Posologie en traitement préventif chez la femme enceinte
ASCOFER 33mg, en gélules
1 à 2 gélules par jour pendant 3 à 6 mois selon le degré de l'anémie
FERO-GRAD Vitamine C, 500mg en cpr
1 comprimé par jour pendant 3 à 6 mois
FERROSTRANE 0,68% en sirop
80 à120mg par jour soit 12 à 18mL/jour, pendant 3 à 6 mois
FUMAFER 66mg, en cpr
Anémie par carence martiale
100 à 200mg/jour soit 2 à 3 cpr/jour, pendant 3 à 6 mois
INOFER 100mg, en cpr
1 à 2 cpr/jour pendant 3 à 6 mois selon le degré de l'anémie
TARDYFERON 80mg, en cpr
1 cpr/jour pendant 3 à 6 mois selon le degré de l'anémie
TARDYFERON B9*, en cpr
1 cpr/jour pendant 3 à 6 mois selon le degré de l'anémie
TIMOFEROL 50mg, en cpr
1 à 4 cpr/jour pendant 3 à 6 mois selon le degré de l'anémie

*pour TARDYFERON B9 : Ne peut être proposé que pour une carence à la fois en fer et en acide folique de la femme enceinte, quand un apport alimentaire suffisant ne peut être assuré.

Ces traitements substitutifs présentent tous des risques d’effets digestifs : en particulier de constipation et de spasmes digestifs. Les selles peuvent être teintées en noir.

L’hématocrite et l’hémoglobine sont mesuré 1 fois/toutes les 2 à 4 semaines pour évaluer les effets du traitement de supplémentation.

Malgré ce fer supplémenté, environ 20% des femmes enceintes anémiées n’en absorbent pas assez. Elles nécessitent un traitement parentéral, en milieu hospitalier, en cas de signes généraux de mauvaise tolérance à l’anémie. Ainsi, les décisions de transfusions ne sont pas basées sur l’hématocrite mais sur la sévérité des symptômes.

Complications maternelles et périnatales

Risques Maternels :

    • Accouchement prématuré.
    • Infections maternelles (surtout lors du post-partum).

Risques Fœtaux :

    • Prématurité.
    • Hypotrophie.
    • Mortalité périnatale.
    • Email transparent et dents plus jaunies chez les enfants carencés en fer.

En post-partum

On considère que les spoliations sanguines de l’accouchement physiologique correspondent à une perte de 1g/dl d’hémoglobine. L’anémie se définit par un taux d’Hb < 10 g/dL à 1 semaine et < 11g/dL à 8 semaines.
Pendant l’allaitement, les besoins en fer sont estimés à 1mg/jour.

Facteurs de risque principaux : L’hémorragie du post-partum et la carence martiale.

Signes cliniques de mauvaise tolérance : Asthénie, pâleur cutanée, malaises, céphalées, acouphènes, dyspnée.

Traitement si l’anémie est ferriprive :

    • Apport de fer per os ou injectable si anémie profonde ou si signes de mauvaise tolérance chez la mère. En cas de ferritinémie basse, le traitement de fer per os sera d’au moins 3 mois.
    • Éviter la prise de thé et d’anti-acides concomitants au fer, car ils diminuent son absorption.
    • Un taux d’hémoglobine < 6g/dL doit faire discuter une transfusion.

Traitement si l’anémie est persistante à distance de l’accouchement et malgré le traitement substitutif en fer :

    • Réaliser une électrophorèse de l’hémoglobine.
    • Réaliser un dosage des réticulocytes.

Mis à jour le 16 janvier 2022.

SOURCES :

L.A. Friel. Anémie de la grossesse. Msd Manuals. PhD, University of Texas Health Medical School. Avril 2020. Disponible sur : https://www.msdmanuals.com/fr/professional/gyn%C3%A9cologie-et-obst%C3%A9trique/grossesse-compliqu%C3%A9e-par-une-maladie/an%C3%A9mie-de-la-grossesse

Baroni L, Goggi S, Battaglino R, Berveglieri M, Fasan I, Filippin D, Griffith P, Rizzo G, Tomasini C, Tosatti MA, Battino MA. Vegan Nutrition for Mothers and Children: Practical Tools for Healthcare Providers. Nutrients. 2018 Dec 20;11(1):5.

G. Beucher, E. Grossetti, T. Simonet, M. Leporrier, M. Dreyfus. Anémie par carence martiale et grossesse. Prévention et traitement. Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction. Mai 2011. Volume 40, numéro 3
pages 185-200

HAS. Proposition de présentation des documents de recommandations et références professionnelles. Recommandations pour le suivi des femmes enceintes. Avril 2008. Disponible sur : http://www.hassante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/suivi_des_femmes_enceintes_- _recommandations_23-04-2008.pdf

Frayne J, Pinchon D. Anaemia in pregnancy. Aust J Gen Pract. 2019 Mar;48(3):125-129. doi: 10.31128/AJGP-08-18-4664. PMID: 31256475.

S. Chevalier. Dépistage et prise en charge de l’anémie par carence martiale chez la femme enceinte. Mémoire pour l’obtention du diplôme d’état de sage-femme. 20 juin 2017. 49 Pages.

J. Tescari. Prise en charge de l’anémie durant la grossesse et le post-partum. Mémoire pour l’obtention du diplôme d’état de sage-femme. Octobre 2018. 71 pages.