Tabac

Sommaire

Épidémiologie

Physiopathologie

Cigarette électronique

Dispositions de lutte françaises contre le tabagisme

Risques causés par le tabagisme durant la grossesse

Méthodes de dépistage, de prévention et de traitement d’une patiente enceinte fumeuse

Documents et ressources pour le praticien et sa patiente

Tabagisme et post-partum

Épidémiologie

Aujourd’hui, en France, on estime que 30% des femmes en âge de procréer fument et qu’une femme enceinte sur cinq fume. Presque la moitié des fumeuses chroniques cessent lors consommation tabagique enceintes, aboutissant à un taux de 17 % de fumeuses jusqu’à la fin de grossesse.

Malgré tout, le rapport d’European Perinatal Health publie en 2008 que la France est le pays ayant la plus grande proportion de fumeuses parmi les patientes enceintes.
Le taux de tabagisme passif (au moins 1h d’exposition par jour) est malheureusement peu évalué dans la littérature.

Physiopathologie

La fumée de tabac contient plus de 4 000 produits toxiques parmi lesquels le monoxyde de carbone (CO), la nicotine, les hydrocarbures polyaromatiques et les métaux lourds comme le cadmium.
Les dangers du tabac sont aussi représentés par sa façon de le consommer : Sa combustion et sa pyrolyse notamment. Le tabac à rouler est d’ailleurs plus dangereux.
L’usage des cigarettes sans tabac doit être interdit car leur combustion apporte un taux de CO plus élevé.

Le tabac est néfaste sur le fœtus. Il existe un passage placentaire des différents composants de la cigarette. Cela entraîne une hypoxie profonde et prolongée, liée notamment à la fixation du CO sur l’hémoglobine fœtale immature.
Il existe un effet-dose entre le tabagisme maternel et l’atteinte fœtale.
L’effet du tabac semble pourtant être davantage marqué au 3e trimestre de la grossesse, puisque les patientes réussissant leur sevrage aux 1er et 2e trimestres ont des nouveau-nés dont le poids de naissance est quasi semblable à celui des mères non fumeuses.

La nicotine n’est pas tératogène mais elle entraine une vasoconstriction utéroplacentaire avec un retentissement cardio-vasculaire fœtal et des anomalies placentaires consécutives. De plus, elle provoque la dépendance et un risque de syndrome de sevrage chez le nouveau-né.

Cigarette électronique

Pas moins de 30 substances cancérigènes sont contenues dans les liquides d’aérosol de vapotage dont 2 substances tératogènes décrites.
Néanmoins, il existe à l’heure actuelle peu d’études sur l’impact de la e-cigarette pendant la grossesse.

Seul constat fait pour le moment : Les poids de naissance chez les patientes vapoteuses sont identiques aux poids de naissance de nouveau-nés nés de mères non fumeuses.
En 2020, le CNGOF déconseille l’initiation ou la poursuite des produits de vapotage pendant la grossesse.

Dispositions de lutte françaises contre le tabagisme

Toutes les sociétés savantes médicales prônent un arrêt du tabac durant la grossesse, et même en pré-conceptionnel si cela est possible.
Les professionnels de santé doivent informer leurs patientes sur les conséquences du tabagisme et proposer une aide à l’arrêt dès la première consultation de suivi de grossesse ou lorsqu’il existe un projet de grossesse, en tentant de maintenir ce sevrage tout au long de la grossesse.

La prévention du tabagisme est reprise en France dans les lois de santé publique mais aussi par les plans gouvernementaux et les plans cancers :

Le 3e plan cancer de 2014-2019 :

Il avait pour objectif la baisse de 10% du nombre de fumeurs en 5 ans.
Disponible ici : Programme National de réduction du tabagisme 2014 – 2019.

Le programme national de lutte contre le tabac en 2018-2022 :

Il définit 28 actions à mettre en œuvre dans les cinq prochaines années.
Il a pour ambition de protéger les plus jeunes, de lutter contre les inégalités sociales en soutenant les personnes les plus vulnérables, d’accompagner les femmes, en particulier celles qui sont enceintes.

Disponible ici : Programme National de lutte contre le tabac 2018-2022.

Les lois de santé publique :

La Loi Evin du 10 janvier 1991, a prodigué l’interdiction de toute forme de propagande ou publicité en faveur du tabac et toute distribution gratuite ou promotionnelle.
Elle a prévu que certains lieux d’usage collectif publics soient non-fumeurs.
Et elle a interdit la vente de tabac aux moins de 16 ans.
Cette loi est renforcée par le décret du 15 novembre 2006 qui étend l’interdiction de fumer à tous les lieux à usage collectif.

En mai 2016 avec l’ordonnance n° 2016-623, se met en place le « paquet de cigarettes neutre » sans marque évidente, avec parfois des photos chocs.

Les mesures de mises en garde sanitaires françaises :


Tirée de Santé Publique France.

Sont représentées par :

    • Les stratégies de marketing social (« mois sans tabac », les pictogrammes « femme enceinte » ou les formules « fumer pendant la grossesse nuit à votre enfant » sur le paquet de cigarettes) et les campagnes de préventions de santé publique France : Voir image ci-dessus.
    • Certains paquets de tabac portent depuis 2010 des photos de fœtus, qui peuvent choquer l’esprit des gens et motiver un arrêt de la consommation.
    • La hausse régulière du prix du tabac constitue un puissant facteur dissuasif de l’entrée dans la consommation tabagique ou l’arrêt de celle-ci.

Pour venir contrebalancer cette hausse des prix du tabac, les substituts nicotiniques sont remboursés depuis 2018, à hauteur de 65 %, sur prescription.
Les complémentaires santé prennent en charge le ticket modérateur.

Risques causés par le tabagisme durant la grossesse

Conséquences maternelles :
En anté-conceptionnel :

Le tabac baisse la fertilité de manière proportionnelle à la quantité de cigarettes fumées ou la quantité de fumée inhalée chaque jour. La fertilité d’une patiente tabagique est réduite de moitié par rapport à une patiente non fumeuse.
Cette toxicité sur la fertilité s’explique par 2 mécanismes : L’hypoxie tissulaire et la perturbation endocrinienne (provoquant notamment une diminution de la réserve ovarienne).

L’intoxication tabagique augmente la fréquence de nombreuses pathologies et issues défavorables de la grossesse.

Au premier trimestre de grossesse :

    • La Grossesse extra-utérine (GEU) :  Risque relatif > 2. Ce risque augmente en fonction de la quantité de cigarettes consommées. Il peut aller jusqu’à 5 si la consommation dépasse les 30 cigarettes par jour. Le tabac est devenu la première cause de GEU.
    • La fausse couche spontanée : Effet dose-dépendant avec un risque relatif égal à 2. Cela n’est pas négligeable, puisqu’à partir de 20 cigarettes inhalées par jour, le risque de fausse couche est de 20% et de 35% si la consommation est > 35 cigarettes/jour.
      A savoir qu’il n’est que de 10% chez les patientes non tabagiques.

Aux 2e et 3e trimestres de la grossesse :

    • Le risque d’accouchement prématuré : Le risque relatif est multiplié par 2 et est significatif dans toutes les études.
    • Le placenta praevia : Augmentation du risque de 30 %.
    • L’hématome rétroplacentaire (HRP) : Le risque est doublé
    • Hémorragies de la délivrance : Fréquence accrue.
    • Délivrance artificielle : Fréquence accrue.
    • Le risque de césarienne : Pas de modification statistiquement significative.

Tout au long de la grossesse, les femmes enceintes fumeuses sont plus exposées aux risques :

    • De pathologies thromboembolique(s).
    • De complication(s) pulmonaire(s) : Asthme, surinfection post-grippale, bronchite.
    • De vaginose(s) bactérienne(s) par déséquilibre de la flore.
    • De pyélonpéphrite(s).
    • De diabète gestationnel.

Conséquences fœtales, néonatales et chez l’enfant :

Le tabagisme en cours de grossesse est la principale cause évitable de morbidité périnatale.

Il augmente le risque de :

    • Retard de croissance intra-utérin : Le poids et la taille de naissance sont diminués de façon significative et proportionnellement à la quantité de cigarettes consommées au quotidien, y compris le tabagisme passif. Ce risque est 2,5 fois plus fréquent quand une femme fume plus de dix cigarettes par jour. Cela est surtout valable durant la seconde moitié de la grossesse, en raison des complications placentaires.
    • Prématurité : Risque relatif multiplié par 2. Ce risque est dose-dépendant.
    • Mort fœtale in utero (MFIU) tardive : 11% d’entre elles serait imputables au tabac.
    • La malformation fœtale : Ce point est controversé car les effets tératogènes sont réels mais faibles (possible augmentation des anomalies du tube neural, des fentes labio-palatines, des anomalies des membres, des malformations urinaires ou cardiaques avancées par certains auteurs).
    • La mort inattendue du nourrisson : Le tabagisme double ce risque même si l’enfant est accueilli dans un environnement non-fumeur.
    • Détresse respiratoire à la naissance.
    • Entérocolite nécrosante.
    • Les infections respiratoires, asthme et otites de l’enfant : Il existe une augmentation du risque d’environ 50 %.
    • Obésité de l’adolescent : Le lien est désormais bien établi.
    • Retard de développement psychomoteur et cognitif, TDAH : Discuté dans la littérature car il est difficile d’évaluer l’exposition seule du tabac sur le fœtus et son développement cérébral, et d’établir un lien de causalité direct.
    • Risques cardiovasculaires (HTA, maladie coronarienne, diabète de type 2) : Sont augmentés à long terme.

Méthodes de dépistage, de prévention et de traitement d’une patiente enceinte fumeuse

Dépistage :

Il est nécessaire d’évaluer la dépendance à l’aide du questionnaire de Fagerström.
Il est recommandé de mesurer le CO expiré chez toutes les femmes enceintes fumeuses.

Prise en charge psychologique et comportementale :

Beaucoup de femmes enceintes fumeuses sont motivées à l’arrêt du tabac, il est donc légitime de les soutenir dans leur démarche.
Message clé à apporter à la patiente : Le sevrage reste bénéfique à tous les stades de la grossesse, mais plus l’arrêt est obtenu précocement, plus les bénéfices sont importants.

L’accompagnement psychologique et comportemental peut se faire par plusieurs approches :

    • Le conseil minimal avec 2 questions simples : Fumez-vous ? Si oui, souhaitez-vous arrêter de fumer ?
    • L’intervention brève vient compléter le conseil minimal à l’aide d’une prévention ou d’une information et éventuellement d’une remise de documents.
    • L’entretien motivationnel doté de messages courts et basé sur « les 5A » :
      – Ask : Demander « fumez-vous ? ».
      – Advise : Conseiller « vous devriez arrêter de fumer ».
      – Assess : Evaluer la préparation à l’arrêt du tabac.
      – Assist : Aider à l’arrêt.
      – Arrange : Suivre la tentative d’arrêt.
    • Les thérapies cognitives et comportementales (TCC) : Nécessitent une approche stratégique avec mise en jeu de moyens pour pouvoir atteindre des buts clairement définis. Elles sont la base du traitement du sevrage tabagique.
    • La consultation auprès d’un tabacologue peut renforcer le soutient au sevrage.
    • L’hypnose peut être utile.

Le statut tabagique de la patiente doit être notifié dans le dossier de suivi de grossesse de chaque professionnel de santé amené à suivre une grossesse et ce dernier doit faire le point sur la consommation de la patiente à chaque consultation.

Prescrire une substitution nicotinique :

En cas de dépendance tabagique, les mesures de TCC ne suffisent pas bien souvent et il est nécessaire de prescrire un traitement substitutif.
Les substituts nicotiniques sont un traitement efficace et ont l’AMM pour les femmes enceintes depuis octobre 1997.
Ils sont prescriptibles par les médecins, les sages-femmes, les infirmiers, les chirurgiens-dentistes, les masseurs-kinésithérapeutes.
Ils existent sous différentes formes : Patchs, gommes, pastilles, inhaleurs…
Et sous différentes marques : NICOPASS®, NICOPATCH®, NICORETTE ®, NICOTINELL®, NIQUITIN®.
Toutes les formes sont utilisables.

Aucune complication liée à leur usage au cours de la grossesse n’a été mise en évidence. D’ailleurs, il n’y a pas de contre-indication à l’utilisation concomitante de patchs et d’une consommation tabagique, cela permet de diminuer le phénomène de titration nicotinique et de diminuer le « comportement de fumeur ».

La posologie sera adaptée aux besoins de la patiente :
1 cigarette = 1mg de Nicotine (sous forme de patch ou orale).

Il est possible de prescrire jusqu’à 25 mg/jour de substituts nicotiniques.
Il ne faut pas hésiter à « surdoser » la posologie du fait d’une accélération du métabolisme de la nicotine lors de la grossesse.
Cette prescription nécessite d’être réévaluée régulièrement.

Si nécessaire, il peut être aussi utile de traiter le/la partenaire de la patiente enceinte afin de prévenir toute forme de tabagisme passif, et de favoriser une motivation en couple.

Spécialités médicamenteuses contre-indiquées :

La Varénicline (le Champix®) et le Bupropion (Zyban®) sont contre-indiqués chez la femme enceinte et non recommandés chez la femme qui allaite.

Documents et ressources pour le praticien et sa patiente

Le numéro national de Tabac Info Service :

Est à diffuser largement : 0 825 309 310 ou 3989 (service gratuit + prix d’appel).
Il ajoute un soutien supplémentaire au professionnel de santé.
Des tabacologues donnent des conseils et proposent un suivi personnalisé et gratuit par téléphone.

L’application de tabac info service sur smartphone ou tablettes :

Elle offre un coaching personnalisé et gratuit.

Des réunions Facebook live :

Proposent des « live » animés par des tabacologues sur la page Facebook de Tabac info service.

Groupes de soutien :

Comme par exemple « je ne fume plus ». Ces groupes sont nombreux à l’échelle nationale, et peuvent être rejoints également sur les réseaux sociaux.

Tabagisme et post-partum

La grossesse est un moment propice à l’arrêt du tabagisme puisque 80% des patientes arrêtent leur consommation.
Mais la reprise de la consommation en post-partum concerne 82% des patientes à 1 an.
Faire perdurer ce sevrage tabagique après la grossesse est donc un enjeu de santé publique.

L’allaitement maternel n’est pas contre-indiqué avec le tabagisme et doit être valorisé.
Il est associé à une moindre production de lait par diminution du taux de prolactine de 30 à 50%, il est donc à risque précoce d’arrêt.
Si possible, on conseillera à la patiente de fumer après la mise au sein plutôt qu’avant.

Les thérapeutiques disponibles sont identiques durant la grossesse et pendant la période d’allaitement :

Les substituts nicotiniques :

    • Toutes les formes sont possibles (gommes, patchs, pastilles à sucer, …).
      Si une forme orale est prise, on conseillera de prendre le substitut après la tétée et d’atteindre environ 2h avant la tétée suivante pour limiter l’exposition nicotinique du nourrisson allaité.
    • Ils sont compatibles avec l’allaitement maternel.

Ordonnance « type » disponible dans Outils pratiques.

Le Bupropion et la Varénicline :

Ne sont pas recommandés dans le post-partum.

Thérapies cognitivo-comportementales, entretiens motivationnels et information médicale :

Peuvent aider à soutenir le sevrage.

Mis à jour le 1 mars 2022.

SOURCES :

HAS. Grossesse et tabac. Conférence de consensus de 2004. 37 pages.
https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/Grossesse_tabac_long.pdf

Addictions et grossesse. DIU formation complémentaire en gynécologie obstétrique pour le médecin généraliste. CHU Nimes. Juin 2020.

Santé publique France. Grossesse sans tabac. Dépliant d’information pour les patientes. 2018. 2 pages.

Grangé G, Guibert J Tabagisme et grossesse Rev Prat 62: 344-6

Torchin H, Lous ML, Houdouin V. Tabagisme pendant la grossesse : impact sur l’enfant, de la naissance à l’âge adulte — Rapport d’experts et recommandations CNGOF-SFT sur la prise en charge du tabagisme en cours de grossesse. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie. 2020;48(7):56777.

Delcroix, Michel-Henri. « Consommations féminines à risques », Michel-Henri Delcroix éd., La grossesse et le tabac. Presses Universitaires de France, 2017, pp. 5-45

Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Prévention des risques fœtaux : infections, médicaments, toxiques irradiations. Tabac et grossesse. Item 26. Elsevier Masson 4e édition. 2018. Pages 386 à 388.

Braillon A, Lansac J, Delcroix M, Gomez C, Dubois G. Tabac et grossesse : la France toujours mauvaise élève ? Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction. 2010;39(1):12.

Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Rapports d’experts. Prise en charge du tabagisme en cours de grossesse. 2020. Page 96

LE CRAT. État des connaissances sur le tabac : Grossesse et allaitement. Mis à jour le 6 janvier 2021.

Blanc J, Koch A. Prise en charge médicamenteuse du tabagisme en cours de grossesse – Rapport d’experts et recommandations CNGOF-SFT sur la prise en charge du tabagisme en cours de grossesse. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie. 2020;48(7):604 11.

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