Alcool

Sommaire

Épidémiologie

Types de consommation

Recommandations françaises et internationales

Physiopathologie chez l’embryon et le fœtus

Ensemble des troubles fœtaux causés par l’alcoolisation maternelle

Méthodes de dépistage, de prévention et traitement

Documents et personnes ressources pour le Praticien et sa patiente

Alcool et allaitement

Épidémiologie

L’alcool est une substance psychoactive nocive représentant la deuxième cause de mortalité évitable en France.
En 2010, l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) publie dans son bulletin épidémiologique hebdomadaire que 23% des femmes enceintes ont consommé de l’alcool durant leurs grossesses. Ce taux est presque superposable à celui de l’étude Elfe en 2011, qui recense une proportion 27,6% de femmes déclarant avoir bu de l’alcool pendant la grossesse avant de se savoir enceinte et de 21,2% une fois la grossesse connue.

Les conséquences d’une consommation en alcool pendant la grossesse peuvent être graves du fait de l’absence d’effet seuil sécuritaire connu.
En France l’incidence du Syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) complet n’est pas négligeable puisqu’elle est estimée à 0,5 à 3 naissances pour mille, allant jusqu’à 9 naissances pour mille si l’on considère tout le prisme des formes partielles dénommées ETCAF pour « Ensemble des Troubles Causés par l’Alcoolisation Fœtale ».

Types de consommation

Il en existe 3 types, quel que soit le type de verre considéré (pour un verre contenant environ 10 g d’alcool) :

Consommations importantes : si > 2 verres/j.
Le retentissement fœtal est bien connu avec un risque d’apparition de SAF réel

Consommations occasionnelles, dites légères ou modérées : environ 1 à 2 verres/j.
Les données scientifiques sont plutôt rassurantes concernant le syndrome dysmorphique ou malformatif, néanmoins il n’est pas à exclure puisqu’une méta-analyse récente retrouve des signes cliniques de SAF à partir de 1,5 verre/jour consommé.
Il existe également un risque de troubles comportementaux, affectifs et/ou anxieux.

Consommations aiguës (binge drinking) :
Cette situation est fréquente en début de grossesse, quand la grossesse est encore méconnue. Il n’y a pas d’impact démontré d’un épisode de binge drinking (≥  4 verres en une fois) sur la survenue de malformations fœtales ou de troubles cognitivo-comportementaux à ce moment de la grossesse, si cet épisode reste isolé et ne se répète pas.
A l’inverse, si le binge drinking survient en milieu et fin de grossesse, cela peut entraîner des troubles cognitifs majeurs.

Recommandations françaises et internationales

L’abstinence complète d’alcool avec « Zéro alcool pendant la grossesse » est requise.
Cette rigueur vient du fait :

    • Qu’il n’existe aucune dose seuil connue concernant les effets toxiques de l’alcool sur le fœtus. Le risque fœtal lié à l’alcool n’est nul qu’en cas d’abstinence dès la conception.
    • Le développement neuronal s’effectue tout le long de la grossesse, or l’alcool est neurotoxique.
    • L’épigénétique fœtale est très variable et expliquent les inégalités individuelles face aux effets de l’éthanol.

Un pictogramme figure d’ailleurs sur les conditionnements des boissons alcoolisées, afin de recommander l’absence de consommation par les femmes enceintes.
Ces recommandations sont portées au niveau national par plusieurs dispositifs de prévention, mis en place par Santé publique France notamment, dans le carnet de santé ou par le biais d’affiches :

Affiches de 2016 et 2017, d’après Santé Publique France.

Le Plan périnatalité de 2005‐2007 a valorisé la mise en place d’un entretien prénatal précoce, qui a pour objectif de répondre aux questions et aux attentes des futurs parents. Il est réalisé le plus souvent sous la responsabilité d’une sage‐femme qui oriente la femme vers un spécialiste référent lorsqu’une vulnérabilité est décelée, comme la consommation d’alcool chronique.

Physiopathologie chez l’embryon et le fœtus

L’éthanol franchit la barrière hémato-placentaire.

Sa concentration dans le liquide amniotique et dans le sang fœtal est alors proche des concentrations plasmatiques maternelles.
Or, du fait d’une immaturité de dégradation enzymatique, le métabolite toxique de l’éthanol, l’acétaldéhyde, va s’accumuler et entraîner de nombreuses perturbations fonctionnelles et morphologiques à plusieurs niveaux.

Ensemble des troubles fœtaux causés par l’alcoolisation maternelle

Anomalies Morphologiques

 

L’ensemble de ces troubles est regroupé sous le nom de ETCAF (Ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale). Ces anomalies morphologiques dépendent du moment où l’embryon est exposé à l’alcool :

    • Lors des deux premières semaines de gestation, c’est la loi du « tout ou rien » : Soit l’embryon est éliminé soit il poursuit son développement.
    • A partir de la 3e semaine a lieu le début de l’organogénèse, à partir de cette période le fœtus est donc plus vulnérable à la tératogénicité de l’alcool.

Iconographie tirée du travail de thèse de Mathieu BOY (Mars 2015)

On voit d’après ce schéma que les malformations congénitales peuvent être variées en cas d’alcoolisation. Elles peuvent concerner :

    • Le système cardiaque (dans 10 à 20% des cas) : CIV, CIA, tétralogie de Fallot, atrésie pulmonaire à septum ouvert.
    • Le système neurologique : Hypoplasie du corps calleux, hydro ou microcéphalie, troubles de la migration neuronale, hypoplasie cérébrale, réduction de la taille du cervelet, anomalies de l’hippocampe, anomalies de la fermeture du tube neural, élargissement des ventricules.
    • La sphère urogénitale : Hypoplasies ou aplasies rénales, rein en fer à cheval, hydronéphrose, duplication ou clitoromégalie, hypoplasie des grandes lèvres, hypospadias, cryptorchidie.
    • Le squelette : Thorax en entonnoir, anomalies vertébrales, anomalies des phalanges, polydactylie, arthrogrypose, camptodactylie, syndactylie, synostose radio-cubitale, pied et main bots, hypoplasie des ongles.
    • La sphère viscérale : Hernie du diaphragme, sténose du pylore, hépatomégalie, artère ombilicale unique.
    • Le système oculaire : Hypoplasie du nerf optique, vaisseaux rétiniens tortueux, microphtalmie, cataracte, opacité cornéenne, rétinite pigmentaire
    • L’Ouïe et le système vestibulaire : Perte d’ouïe, dysfonction vestibulaire.

Lorsque tous les organes sont en place (du 57e jour de grossesse à l’accouchement), l’alcool peut avoir un effet foetotoxique.

Le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) est un spectre de conséquences cliniques bien décrit et peut être complet (si les 3 critères suivants sont présents) ou partiel :

Retard de croissance prénatal ou postnatal, dans au moins un des aspects suivants :

    • Poids ou taille à la naissance égal(e) ou inférieur(e) au 10e percentile pour l’âge fœtal.
    • Taille ou poids égal ou inférieur au 10e percentile pour l’âge.
    • Rapport poids‐taille trop faible (égal ou inférieur au 10e percentile).

Une dysmorphie cranio-faciale avec présence simultanée à n’importe quel âge, des 3 anomalies faciales suivantes :

    • Front bombé et étroit.
    • Fosses temporales profondes avec implantation basse des cheveux.
    • Des fentes palpébrales étroites.
    • Epicanthus (repli cutané de l’angle interne des yeux).
    • Hypertélorisme (augmentation de la distance entre les deux yeux).
    • Un philtrum (espace naso‐labial) lisse ou sous développé.
    • Racine du nez aplatie, nez court et retroussé.
    • Une lèvre supérieure mince.
    • Oreilles décollées et mal ourlées, bassement implantées.
    • Bouche large.
    • Micrognathie (menton petit et en retrait).
    • Autres anomalies possibles : Fente labiopalatine, ptosis, strabisme.

Schéma tiré de Stop-alcool.ch

Photographie tirée du CNGOF

Une atteinte du système nerveux central, avec au moins 3 des troubles suivants :

    • Des troubles neurologiques légers et profonds retrouvés à l’examen neurosensoriel.
    • Une microcéphalie par diminution de taille des hémisphères cérébraux ou des malformations cérébrales détectées par l’imagerie cérébrale.
    • Une déficience mentale avec un QI < 70.
    • Des difficultés dans les apprentissages scolaires nécessitant souvent un enseignement adapté.
    • Un trouble de la communication tant sur les versants expressifs que sur la compréhension des questions longues, abstraites et complexes.
    • Une déficience des fonctions exécutives.
    • Un trouble de la mémoire.
    • Un trouble de l’attention.
    • Un trouble des facultés d’adaptation et des conduites sociales qui ne peut être expliqué uniquement par les antécédents familiaux ou par l’environnement.

Exposition prénatale à l’alcool confirmée.

Anomalies Biologiques

 

Lipides : L’alcool augmente la concentration en acides gras polyinsaturés ce qui fragilise la stabilisation des membranes et donc la structure cellulaire.

Glucose : L’alcool modifie la synthèse et la dégradation du glycogène fœtal induisant une baisse d’activité cellulaire.

Des déficits vitaminiques notamment en B1 (Thiamine), en B6 (Pyridoxine), B9 (Acide Folique), en Vitamine C (Acide Ascorbique) et Vitamine E (Tocophérol).
Leur déficit entraine un RCIU et une inhibition de la maturation cellulaire.

Conséquences obstétricales et néonatales

 

RCIU : Modéré dans 80 % des cas (5–10e percentile) et harmonieux.

Avortements spontanés.

Mort subite du nourrisson.

Prématurité (Naissance avant 37SA) : 30% des cas.

Hématomes rétro-placentaires.

Syndrome de sevrage du nourrisson (mesuré par le score de Lipsitz).

Troubles neurodéveloppementaux :

    • Troubles des fonctions motrices avec troubles dysexécutifs.
    • Troubles cognitifs et de la mémoire de travail (Baisse du QI dans 80% des cas de SAF avec une moyenne dépassant rarement 70) avec retard des apprentissages.
    • Troubles comportementaux (sommeil, humeur, alimentation, TDAH).

Méthodes de dépistage, de prévention et traitement

Comment diminuer le risque d’alcoolisation fœtale ?
Afin de prévenir la consommation d’alcool chez la femme enceinte, les sociétés savantes insistent sur la prévention primaire : Informer les femmes en âge de procréer et enceintes des risques encourus lors de la consommation d’alcool durant la grossesse.

La prévention secondaire permet de détecter les consommations d’alcool (à l’aide de questionnaires notamment), d’agir pour limiter les comportements à risque, et par conséquent elle diminue les troubles liés à l’exposition à l’alcool pendant la vie fœtale.

Les questionnaires validés de dépistage sont les suivants :

    • Le T-ACE (pour les grandes consommatrices).
    • Le TWEAK.
    • Le FACE.
    • Le MAST.
    • Le CAGE.
    • Le CRAFT.
    • L’AUDIT et l’AUDIT-C.

Leur utilisation est validée en périnatalité.

La prévention tertiaire, cherche à limiter les récidives en intervenant auprès des patientes ayant déjà donné naissance à un enfant atteint d’un ETCAF.

Devant tout alcoolisme maternel, il convient en tant que médecin de prévenir en outre :

    • Une carence vitaminique responsable d’anémie (folates) et d’adjoindre éventuellement une vitaminothérapie B1-B6.
    • Une prise de toxiques associée (tabagisme, cannabis, consommation d’autres types de stupéfiants…) ou des situations de vulnérabilité (violence conjugale, précarité).

Une prise en charge multidisciplinaire sera nécessaire :

    • Suivi morphologique lors de l’échographie (T2 notamment).
    • Dépistage pédiatrique le plus tôt possible pour prévenir le handicap fonctionnel.
    • Prise en charge sociale de l’enfant à venir en cas de SAF ou ETCAF avéré (Protection maternelle et infantile, assistance sociale, CAMPS, CMPP).
    •  

    • Addictologue en vue de la réalisation du sevrage chez l’éthylique chronique ou ELSA (équipe de liaison et de soin en addictologie à la maternité).
    • Référent de proximité (souvent le médecin traitant).

Le traitement d’une patiente enceinte éthylique chronique n’est pas aisé. Il repose sur :

    • L’arrêt simple de sa consommation d’alcool, de façon autonome, pour les patientes non dépendantes ou dépendantes sans dépendance physique.
    • Une hospitalisation avec médicalisation du sevrage, dans le cadre :
      – D’une dépendance physique.
      – D’une consommation > 14 UI/j.
      – De l’existence de co-dépendances.
      – D’antécédents de complications de sevrage (délirium tremens, crise convulsive).

Documents et personnes ressources pour le Praticien et sa patiente

Alcool info service :

Numéro de téléphone (appel non surtaxé) : 09 80 98 09 30
Site internet.

Les réseaux de santé en périnatalité :

Ce réseau est souvent coordonné avec le médecin traitant, afin d’assurer le suivi médical de la mère et de l’enfant présentant des facteurs de risque éventuels ou une vulnérabilité psychosociale, dans le but de les orienter vers une structure adaptée.
Ils permettent également d’organiser un suivi sur le long terme des nouveau‐nés vulnérables susceptibles de développer un handicap.

Site internet pour trouver le réseau le plus proche de soi.

Les équipes de liaison et de soins en addictologie hospitalières (ELSA).

Association SAF FRANCE :

Plate‐forme ressource nationale « Grossesse et Alcool »
Site internet.

Guide des troubles causés par l’alcoolisation fœtale à destination des parents et des aidants. Il vise à aider les parents à avoir les bonnes réactions au quotidien et valorise l’éducation d’un enfant avec des troubles cognitifs.

Alcool et allaitement 

L’alcool n’est pas recommandé avec l’allaitement car la concentration d’alcool dans le lait est quasi similaire à celle trouvée dans la circulation sanguine.
Chez l’enfant, cela a des conséquences sur le développement psychomoteur et le sommeil.

On ne déconseillera pas formellement une consommation occasionnelle. En pratique, il est conseillé d’allaiter avant toute prise d’alcool et d’attendre 2 à 3 heures en cas de prise d’alcool modérée pour allaiter (12 heures en cas d’alcoolisation aigue).
Il est recommandé de tirer son lait pour la tétée suivante en cas de consommation occasionnelle importante car le réflexe d’éjection est inhibé avec l’alcool et la femme risque un engorgement mammaire.

Mis à jour le 5 mars 2022.

SOURCES :

Leroy-Creutz, Margaux, et al. « Alcool et grossesse en Lorraine : étude des pratiques professionnelles et aide au repérage », Santé Publique, vol. vol. 27, no. 6, 2015, pp. 797-808

M. PAQUET. Consommation d’alcool pendant la grossesse : état des lieux et prévention a l’officine. Thèse soutenue en mars 2019. 168 Pages.
Disponible sur : https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02089872/document

Solidarités et santé gouvernementale. Alcool et grossesse, parlons-en. Guide à l’usage des professionnels. Document rédigé par le ministère du travail, de l’emploi et de la santé. Juin 2011. 48 Pages. Disponible sur :
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Alcool_et_grossesse_parlons-en2.pdf

Demiguel Virginie, Perrine Anne-Laure, Quatremère Guillemette, Charles Marie-Aline, Regnault Nolwenn. Consommation d’alcool chez la femme enceinte et conséquences sur le nouveau-né. Rapport de Santé Publique France. Septembre 2019. 11 Pages. Disponible sur : https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/alcool/documents/rapport-synthese/consommation-d-alcool-chez-la-femme-enceinte-et-consequences-sur-le-nouveau-ne

Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF). Prévention des risques fœtaux : infections, médicaments, toxiques, irradiation. Item 26. Elsevier Masson. 4e édition 2018. Pages 389 à 393

Addictions et grossesse. CHU Nimes. DIU « Formation complémentaire en gynécologie obstétrique pour le médecin généraliste ». CHU Nimes. Juin 2020.

M. BOY. Le syndrome d’alcoolisme fœtal. Thèse pour le diplôme d’état de docteur en pharmacie. Mars 2015. 100 Pages.

#

Revenir aux conseils "Vie quotidienne"