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Apparition d’une protéinurie

La protéinurie est le fait de retrouver une certaine quantité de protéines dans les urines. 

En temps normal et hors grossesse, l’urine ne doit pas contenir plus de 50 mg/l de protéines. Au-dessus de ce seuil, on parle de protéinurie positive, en dessous de protéinurie physiologique.

La protéinurie reflète la qualité du néphron. Un rein non pathologique est censé filtrer en grande partie les protéines du sang, afin qu’elles soient en très faible quantité dans les urines.

Il existe plusieurs types de protéinurie :

La protéinurie persistante : C’est le type de protéinurie le plus grave. Elle nécessite une exploration impérativement.

La protéinurie transitoire : Lorsque les protéines sont intermittentes ou périodiques dans l’urine. Cela peut se produire pendant la grossesse, après un exercice intense, par manque d’hydratation. Elle n’évoque pas de maladie rénale le plus souvent.

La protéinurie orthostatique : Lorsque les protéines urinaires ne sont retrouvées qu’en position debout ou assise mais pas en décubitus dorsal, elle est aussi appelée protéinurie posturale. Ce ne suggère pas de maladie rénale.

Pendant la grossesse, la recherche de glycosurie et de protéinurie (en particulier l’albuminurie), doit être recherchée systématiquement avant 15 SA, puis mensuellement. A partir du 4e mois de grossesse.
La glycosurie est traitée dans un autre onglet (Hyperglycémie et diabète), mais elle a moins d’intérêt. Un taux élevé peut révéler un diabète et doit faire demander une glycémie. Mais il existe de nombreux faux positifs, dus à une anomalie de la résorption rénale. De plus, un résultat négatif n’exclut pas un diabète gestationnel.

Chez la femme enceinte, la protéinurie augmente, même en l’absence de maladie rénale.
Elle est donc significative à des seuils plus élevés (valeurs indiquées ci-dessous).
Les taux inférieurs ne sont pas significatifs, mais nécessitent d’être contrôlés dans les 8 à 10 jours.

Méthodes de détection de la protéinurie

Elle peut être faite en laboratoire ou avec une bandelette réactive au cabinet. Si la recherche d’albumine est positive à la bandelette (résultat supérieur ou égal à 1+), une confirmation par un dosage au laboratoire s’impose : sur échantillon ou sur les urines des 24h.

Le dosage est pathologique lorsque :

    • La protéinurie est supérieure à 300 mg/24h (ou 0,3g/24H) .
    • Ou le ratio protéinurie/créatininurie ≥ 30 mg/mmol (ou ≥ 300 mg/g).

(Ce seuil de 300 mg / 24 h n’est pas basé sur l’atteinte d’un état clinico-pathologique spécifique, mais sur le 95e centile pour les femmes enceintes normales).

Protéinurie / 24 heures
Rapport albuminurie / créatininurie
≥ 0,3 g/24H
≥ 20 mg/mmol ou 0,02 g/mmol
≥ 5 g/24H
≥ 0,33 g/mmol

Une protéinurie connue ou découverte en début de grossesse témoigne d’une néphropathie indépendante de la grossesse et non d’une pré-éclampsie. Il n’y a pas de danger immédiat. Elle nécessite tout de même un bilan vasculo-rénal et une surveillance.

En revanche, derrière toute protéinurie, nous traquons la pré-éclampsie.

Association d’une hypertension artérielle (PAS ≥ 140mmHg et/ou PAD ≥ 90mmHg, contrôlée ou non) + protéinurie significative (≥ 0,3 g/24h) OU ratio protéinurie/créatinurie (≥ 30 mg/mmol) survenant après 20 SA.

L’hypertension chez la patiente peut être contrôlée ou non. Il s’agit d’une hypertension artérielle survenant après 20 SA, et se normalisant dans les 3 mois après l’accouchement.

Les œdèmes peuvent être présents ou absents.
Si ces signes sont présents, il faut alors orienter la patiente selon le terme de sa grossesse, vers le plateau technique adapté. En effet, elle nécessite une hospitalisation rapidement du fait des complications qu’elle engendre :

Maternelles :

    • HELLP syndrome.
    • Éclampsie.
    • Troubles de l’hémostase.
    • Insuffisance rénale.
    • Œdème aigu pulmonaire.
    • Ophtalmologiques : œdème papillaire ou décollement séreux de la rétine.
    • Hématome rétroplacentaire.
    • Rupture capsulaire du foie.

Fœtales/Périnatales :

    • Hypotrophie.
    • Prématurité induite.
    • Décès in utero.
    • Extractions en urgence avec asphyxie périnatale.

Fréquence de la prééclampsie

Entre 4 à 18% selon les ethnies.

Facteurs de risque de prééclampsie

    • Un antécédent de prééclampsie sévère et précoce.
    • Patiente porteuse d’une néphropathie.
    • Patiente porteuse d’une maladie auto-immune (lupus, syndrome des antiphospholipides, etc.).

Traitement curatif de la prééclampsie

Extraction fœto-placentaire. Dans certains cas, l’IMG pour sauvetage maternel peut parfois être discutée.

La prééclampsie sévère

La prééclampsie sévère est une prééclampsie avec au moins l’un des critères suivants (RPC CNGOF 2023) :

    • Une HTA sévère (PAS ≥ 160 mmHg et/ou PAD ≥ 110 mmHg) ou non contrôlée.
    • Une protéinurie ≥ 3g/ 24h00.
    • Une créatinémie ≥ 90µmol/L.
    • Une oligurie ≤ 500mL/24H ou ≤ 25mL/h.
    • Une thrombopénie < 100 000/mm³.
    • Une cytolyse hépatique avec ASAT/ ALAT > 2N.
    • Une douleur abdominale épigastrique et/ou une douleur de l’hypochondre droit « en barre » persistante et intense.
    • Une douleur thoracique, une dyspnée, un œdème aigu du poumon.
    • Des signes neurologiques : céphalées sévères ne répondant pas au traitement, troubles visuels ou auditifs persistants, réflexes ostéotendineux vifs, diffusés et polycinétiques. Au-delà des valeurs seuils des paramètres biologiques ci-dessus, une aggravation de ces paramètres constitue également un critère diagnostique de pré éclampsie sévère (prendre en compte l’évolution/aggravation défavorables des paramètres).

L’éclampsie se définit par la survenue d’une crise convulsive tonico-clonique dans un contexte de prééclampsie.

Critères cliniques ou biologiques de la PE sévère avec signes de gravité :

    • PAS ≥ 180mmHg et/ou PAD ≥ 120mmHg.
    • Une douleur abdominale épigastrique et/ou de l’hypochondre droit « en barre » persistante ou intense.
    • Des céphalées sévères ne répondant pas au traitement, des troubles visuels ou auditifs persistants, un déficit neurologique, des troubles de la conscience, des ROT vifs, diffusés, et polycinétiques.
    • Une détresse respiratoire, un OAP.
    • Un HELLP syndrome.
    • Une insuffisance rénale aigüe.

Bilan biologique minimal :

    • NFS, Plaquettes.
    • LDH, haptoglobine, schizocytes (si suspicion HELLP).
    • Bilan de Coagulation (TP, TCA, fibrinogène).
    • Transaminases (ALAT, ASAT).
    • Ionogramme sanguin.
    • Créatininémie, urée, uricémie.
    • Mettre à jour : Groupe rhésus phénotypé, RAI, sérologies.
    • Le ratio Protéinurie/Créatininurie présente moins de contrainte et est plus rapide par rapport à la protéinurie des 24h.

Devant un diagnostic de Prééclampsie sévère => Hospitalisation en unité obstétricale de niveau adapté.

Surveillance dans le post-partum

Les complications d’une pré-éclampsie peuvent apparaitre dans le post-partum jusqu’à 4 semaines après l’accouchement. Il est nécessaire de réaliser :

Un bilan biologique, vers le 15e jour : NFS, plaquettes, urée, créatininémie, ASAT, ALAT, protéinurie des 24h.

Une consultation chez un spécialiste (néphrologue ou cardiologue), selon les modalités du département, à 2-3 semaines de l’accouchement.

Il existe en effet un risque cardiovasculaire et rénal ultérieur non négligeable, surtout en cas d’HTA gravidique surajoutée, qui nécessite de veiller au contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires (diabète, dyslipidémie, tabagisme, surpoids ou obésité).

Un bilan vasculorénal à 3 mois du post-partum avec :

    • Un suivi tensionnel à chaque consultation.
    • Un bilan biologique avec : créatininémie, protéinurie ou albuminurie des 24 heures.

Une recherche de thrombophilie sera réalisée uniquement si la préeclampsie est qualifiée de sévère et/ou précoce (< 32-34SA), avec une recherche d’anticorps antiphospholipides :
    • Anticoagulant circulant de type lupique.
    • Anticorps anti-cardiolipines IgM et IgG.
    • Anticorps anti B2 glycoprotéine.

Prévention : pour une future grossesse, il est nécessaire de définir le type et le lieu de suivi d’une future grossesse et de prévenir le risque de récidive par Aspirine faible dose.

Prescription d’une contraception

On préférera un DIU au levonogestrel ou les microprogestatifs.

Les oestroprogestatifs sont à éviter, ils pourront être donnés à partir de la 6e semaine seulement en l’absence de facteurs de risque, d’anomalies biologiques et s’il n’y a pas d’allaitement maternel.

En cas d’hypertension non stabilisée, on préférera une contraception non hormonale.

Prévention

Une prévention par aspirine à faible dose avant 16 SA (100mg/jour) lors des prochaines grossesses, sera à discuter avec son gynécologue (si RCIU sévère, prématurité ou pré-éclampsie).

Chez une patiente fumeuse, on veillera à l’arrêt du tabagisme.

Mis à jour le 31 janvier 2024.

SOURCES :

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obstétriciens français. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie. 2024;52(1):344.