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Troubles psychiques

Pendant la grossesse

 

Les troubles psychiques sont moins fréquents pendant la grossesse que le post-partum.

Identification des facteurs de risques

En tant que médecin généraliste, il est important d’identifier les facteurs de risques de vulnérabilité psychique tout au long de la grossesse et du post-partum. On recherchera :

En début de grossesse :

    • Des antécédents psychiatriques personnels ou familiaux.
    • Des antécédents à risque pour le fœtus ou la grossesse (maladie héréditaire, diabète, HTA, etc.).
    • Des antécédents obstétricaux pathologiques : Mort fœtale in utero, malformations fœtales, IMG, enfant de petits poids, enfants hospitalisés longtemps, enfants porteurs d’un handicap.
    • Une situation familiale compliquée : Séparation de la famille, un parent isolé (exemple : mère célibataire), une fragilité de l’identité et des facteurs culturels différents (langue, représentations culturelles et rituels différents autour de la maternité), une situation de conflit conjugal, un deuil périnatal d’un proche.
    • Des antécédents de carences affectives, de maltraitance, d’abus sexuels pendant l’enfance, ou une enfance émaillée d’événements douloureux.
    • Si la grossesse est illégitime, non désirée, non suivie.
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    • Si la patiente est primipare ou d’âge jeune (adolescente).
    • Antécédent d’interruption de grossesse (volontaire ou médicale).
    • Une situation de précarité socio-économique.

Au cours de la grossesse :

    • Des troubles psychiatriques au cours de la grossesse ou du post-partum.
    • Dépression anténatale ou manifestations anxieuses marquées.
    • Découverte de malformations ou d’anomalies faisant craindre une malformation.
    • Grossesse pathologique.
    • Éloignement familial, évènement de vie difficile (deuil, séparation, etc.).

Après la naissance :

    • Accouchement prématuré, accouchement dystocique ou difficile, une césarienne en urgence (d’autant plus si elle est réalisée sous anesthésie générale), une morbidité maternelle sévère.
    • Une morbidité néonatale.
    • Une séparation mère-enfant.

Variabilité des troubles psychiques en fonction des périodes de la grossesse

Au cours du 1er et du 2e trimestre :

Troubles du caractère : Irritabilité, labilité émotionnelle.

Symptômes dépressifs fréquents : Touchent ≈18% des femmes enceintes.
Ils sont souvent d’intensité légère à moyenne : Association d’une tristesse, d’une anhédonie, d’une anticipation péjorative de l’avenir, d’une mésestime de soi, d’une perte d’investissements.
Le diagnostic peut être difficile à poser du fait de symptômes atypiques à type de plaintes somatiques (surtout algiques) ou de symptômes fonctionnels (asthénie, insomnie, diminution de l’appétit…). Ils sont majorés en cas de facteurs de risques de vulnérabilité.

Manifestations anxieuses : Présentes dans 5 à 15% des grossesses (angoisses de malformations ou d’enfant mort-né, angoisses vis-à-vis de l’accouchement, angoisses relatives aux modifications corporelles …). Ces angoisses peuvent s’exprimer sur le plan somatique. Elles peuvent favoriser le déclenchement de contractions utérines voire d’une menace d’accouchement prématuré.

Des troubles du comportement alimentaire.

Les nausées et vomissements gravidiques ou le ptyalisme : Sont incriminés des facteurs hormonaux, mais aussi psychologiques

–  Des troubles psychotiques : Une grossesse chez une femme psychotique chronique nécessite une surveillance scrupuleuse à la fois somatique et psychique.

Le terrain est à risque du fait :

    • D’une faible compliance aux suivis nécessaires.
    • De la prise de médicaments antipsychotiques.
    • De l’existence d’addictions multiples.
    • De conditions de vie précaires.

Les épisodes délirants nécessitent une hospitalisation.
Généralement, les décompensations de troubles psychotiques chroniques sont plus rares pendant la grossesse que lors du post-partum.

– Déni de grossesse : Concerne 2 à 3 femmes enceintes pour 1 000. S’explique par le refus inconscient de reconnaître l’état de grossesse pendant les premiers mois et parfois jusqu’à l’accouchement.

Au cours du 3ème trimestre :

– Une anxiété : Au sujet de l’état de santé de l’enfant, l’accouchement.

– Symptômes dépressifs : La psychothérapie est efficace, associée aux antidépresseurs dans certains cas. Le suivi s’effectue par un psychiatre et un gynécologue-obstétricien.
Attention cependant car la dépression a des conséquences sur le nouveau-né.

– Une insomnie.

Au cours du post-partum

 

La plupart des troubles psychiques ont tendance à s’aggraver dans le post-partum.
Le suivi ambulatoire pour la plupart de ces pathologies est pluridisciplinaire : psychiatre, pédopsychiatre, pédiatre, médecin généraliste et services de PMI.

Le post-partum blues (ou baby blues, ou maternity blues)

Fréquence :
Concerne 50 à 80 % des accouchées.
Il apparaît entre le 2e et le 5e jour, avec un pic au 3e jour, contemporain de la montée de lait. Il est spontanément résolutif en 4 à 7 jours.

Signes cliniques :

    • Pleurs.
    • Irritabilité, labilité émotionnelle et dysphorie.
    • Troubles du sommeil et fatigue.
    • Anxiété.
    • Susceptibilité.
    • Sentiment d’être délaissée, préoccupations anxieuses (crainte de ne pas savoir s’occuper du bébé).

Ce tableau n’est pas pathologique et ne nécessite pas de traitement.
Seule la sévérité du post-partum blues ou la persistance des symptômes après la 1re semaine peuvent amener à proposer une consultation pour dépister une éventuelle dépression du post-partum.

Troubles anxieux

Le post-partum est une période propice à leur aggravation, notamment pour les troubles anxieux préexistants. Quatre troubles anxieux, sont surtout étudiés dans la littérature, en lien avec le post-partum : les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), le trouble panique, l’anxiété généralisée et les syndromes de stress (aigu et posttraumatique). Il faut savoir également détecter les phobies d’impulsion.

Traitement :

    • 1ère intention : Psychothérapie
      Techniques de relaxation
      Psychothérapie de soutien : En individuel ou en groupe et reposent sur la parole ou sur des techniques corporelles.
    • 2ème intention : Thérapie cognitivo-comportementale (TCC)
      Traitement anxiolytique de durée limitée si troubles anxieux majeurs et aigus : Hydroxyzine (Atarax®), ou benzodiazépine : oxazépam (Seresta®).

Dans le post-partum si la patiente allaite, la molécule de choix sera l’oxazépam.

Dépressions du post-partum (ou dépressions postnatales précoces)

Fréquence :
Touche près de 13 % des femmes accouchées
Il s’agit soit du premier épisode dépressif / de la décompensation d’un trouble dépressif récurrent / de la décompensation d’un trouble bipolaire connu.

Sévérité variable :
Intensité légère à modérée pouvant aller jusqu’à des dépressions sévères avec symptômes mélancoliques (1% des cas).
Il faut y penser en cas de prolongation des symptômes du « baby-blues » au-delà de 7 jours. Elle survient généralement dans les 3 à 6 semaines après l’accouchement.

Durée variable :
Plusieurs semaines à plus d’un an.

Signes cliniques (s’aggravent de façon vespérale) :

    • Humeur triste.
    • Irritabilité et agressivité, intolérance aux pleurs possible.
    • Asthénie importante.
    • Anxiété, craintes excessives vis-à-vis de la santé du nouveau-né.
    • Sentiment d’incapacité, perte d’estime de soi, auto-accusations et culpabilité.
    • Plaintes somatiques possibles.
    • Soins apportés au bébé sont rigides : peu adaptés aux besoins manifestes du nourrisson, exécutés de façon opératoire, sans plaisir. Peuvent aller jusqu’à l’évitement.

Schéma illustrant les symptômes de la dépression du post-partum.
Cours de DES de psychiatrie du Dr Sarah TEBEKA. Université Paris VII.

Risques :

    • De négligence, de sévices de la part de la mère à son bébé voire d’infanticide.
    • Dépression mélancolique délirante peut survenir (rare).
    • Entrée dans un trouble bipolaire
    • Entrée dans un syndrome dépressif chronique
    • Risque suicidaire.
    • Rechute dépressive lors d’une grossesse ultérieure est > 25 %
    • Troubles de l’interaction précoces mère-bébé.
    • Troubles de l’attachement.
    • Troubles du développement chez l’enfant.

Échelle de dépistage de la dépression du postpartum :
EPDS (Edimburgh Post natal Depression Scale).

Traitement :
Si épisode dépressif léger à modéré :
La dépression postnatale guérit spontanément la 1re année pour la majorité des cas, si besoin :

    • Psychothérapie (de soutien ou TCC).
    • +/- antidépresseur (ISRS) prescrit pour plusieurs mois : paroxétine (Deroxat®), fluoxétine (Prozac®), sertraline (Zoloft®), citalopram (Seropram®) ou escitalopram (Seroplex®).
    • Un anxiolytique sera introduit en même temps que l’antidépresseur les premières semaines à cause de la levée d’inhibition et du risque de passage à l’acte suicidaire.

Si épisode dépressif sévère ou idées suicidaires :

    • Unité d’hospitalisation conjointe mère-enfant.
    • L’électroconvulsivothérapie est indiquée en cas de risque majeur de suicide et d’infanticide.

A noter que les 2 antidépresseurs de choix au cours de l’allaitement sont la Paroxétine (Deroxat®) et la Sertraline (Zoloft®).

Il est important de dépister la dépression avec caractéristiques psychotiques car le risque d’infanticide ou de suicide est majeur : à l’accès thymique s’associe un délire mélancolique dont le thème est centré sur le bébé (idée de substitution, d’empoisonnement, d’envoûtement) ou sur la filiation (négation du couple, de la maternité, enfant de Dieu…), et des angoisses concernant la mort.

Troubles bipolaires (TB)

Recommandations :
Pour les femmes souffrant d’un TB :

    • Planifier les grossesses.
    • Maintien d’un traitement prophylactique adapté avec la grossesse.
    • Surveillance dans le post-partum précoce, et informations.

Pour l’ensemble des femmes enceintes :

    • Évaluation des facteurs de risque : Antécédents familiaux de TB, dépression récurrente, trouble dysphorique prémenstruel.
    • Surveillance et informations.

Signes cliniques :
– Présentation lors d’une décompensation sur un versant maniaque, hypomaniaque ou un épisode dépressif caractérisé.
– Un épisode maniaque ou dépressif caractérisé peut s’accompagner d’idées délirantes ou d’hallucinations.
– Traitement = Thymorégulateur.

Les plus documentés avec des données rassurantes, pouvant être prescrits chez la femme enceinte sont :
– 1ère intention : La lamotrigine (Lamictal®).
– 2e intention : La quétiapine (Xeroquel®).
– 3e intention : L’olanzapine (Zyprexa®).
– 4e intention : L’aripiprazole (Abilify®).
– 5e intention : La rispéridone (Risperdal®).

Sont contre-indiqués car tératogènes :

    • Le valproate de sodium et ses dérivés (Dépakine, Dépakote, Dépamide).
    • Le Lithium doit être évité autant que possible, surtout entre 5 et 9 SA car il entraine un risque de malformations cardio-vasculaires. Sa prescription chez la femme enceinte est réservée au psychiatre qui doit l’utiliser en dernière intention, en cas d’inefficacité ou de mauvaise tolérance des molécules citées précédemment.
    • Toute prescription injectable est à éviter (retard ou non) à cause du risque d’hypotension maternelle brutale et donc d’hypoxie et de souffrance fœtale qu’elle pourrait engendrer.

Ainsi, une patiente bipolaire traitée par Lithium, ayant un désir de grossesse, doit être adressée auprès d’un psychiatre afin qu’il puisse modifier son traitement thymorégulateur et que celui-ci soit compatible avec la grossesse.

Psychose puerpérale confuso-délirante

C’est un état délirant aigu associé à des troubles thymiques et des éléments confusionnels.
Elle survient le plus souvent dans la semaine qui suit la naissance, de façon brutale, chez des femmes sans aucun antécédent psychiatrique (Pic de fréquence au 10e jour).

Fréquence : Elle touche 1 à 2 femmes ayant accouché pour 1 000 naissances.

Signes cliniques (sont variables dans le temps) :

    • Une obnubilation, voire une réelle confusion mentale avec désorientation temporospatiale, et un onirisme.
    •  

    • Un délire polymorphe, avec une thématique centrée sur la maternité, l’accouchement, le nouveau-né ou encore le conjoint (thème d’enfantement, négation de l’enfant, filiation extraordinaire, etc.).
    •  

    • Anxiété importante.
    • Thymie très fluctuante alternant entre phases mélancoliques et phases maniaques avec excitation.

Traitement :

    • C’est une urgence psychiatrique : Risque suicidaire ou d’infanticide (+++) qui nécessite d’hospitaliser la patiente.
    • Antipsychotique +/- benzodiazépine, doit être instauré en milieu hospitalier précocement.
    • Arrêt de l’allaitement maternel.

Évolution : variable
L’accès peut rester isolé, sans séquelles, durant quelques semaines à quelques mois (70 %).
Ou récidives lors de grossesses ultérieures (20–30 %). 
Ou évolution vers un trouble bipolaire (15%).
Ou évolution vers une schizophrénie (10 %).

Diagnostics différentiels :

    • Thrombophlébite cérébrale.
    • Rétention placentaire.
    • Infections.
    • Prise de toxiques ou de médicaments (bromocriptine++).

État de stress post-traumatique (ESPT)

Fréquence :
Concerne 1,5 à 3 % des femmes accouchées, dans les 6 mois du post-partum.
Cet état de stress post-traumatique marque souvent les suites d’un accouchement difficile.
Nous ou la sage-femme pouvons repérer les facteurs de risques lors de toute consultation de suivi de grossesse, lors de l’entretien prénatal précoce du 4eme mois ou lors de cours de préparation à la naissance :

Facteurs de risque :

    • Atcd de violences physiques / morales / sexuelles.
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    • Atcd psycho ou psychiatriques.
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    • Vécu subjectif psychique de l’accouchement.
    • Prématurité ou affections fœtales.
    • Complications obstétricales et césariennes.

Symptômes :

    • Reviviscences (souvenirs intrusifs, cauchemars, flash-back).
    • Évitement des situations ayant un rapport avec l’accouchement traumatique.
    • Hyper-réactivité (hypervigilance, irritabilité émotionnelle).
    • Altérations de l’humeur (émotions négatives), comorbidité dépressive souvent associée.

Échelle de dépistage de l’état de stress post-traumatique : Auto-questionnaire IES (Impact of Event Scale).
La question « quel souvenir avez-vous de votre accouchement ? » à J2 permet d’identifier les femmes à risque de développer un ESPT

Traitement :
1ère intention : Traitement psychothérapeutique

    • Techniques EMDR et hypnose.
    • Psychothérapie de soutien : en individuel ou en groupe et reposent sur la parole ou sur des techniques corporelles.

2ème intention :

    • Thérapie cognitivo-comportementale (TCC)
    • +/- Traitement anxiolytique de durée limitée si troubles anxieux majeurs et aigus : hydroxyzine (Atarax®), ou benzodiazépine : oxazépam (Seresta®).
    • +/- Traitement antidépresseur.

Mis à jour le 11 février 2022.

SOURCES :

Dr Élise Riquin, Dr Katell Faure, Dr Matthieu Legras, Dr Anne-Sophie Chocard, Dr Philippe Gillard, Pr Philippe Descamps, Pr Philippe Duverger. Troubles psychiques de la grossesse et du post-partum. La revue du praticien. Vol. 65. Mai 2015. 8 pages. Disponible sur :
http://pedopsychiatrie-angers.fr/Publications2/troubles-psychiques-grossesse-et-post-partum.pdf

Haute autorité de santé (HAS). Comment mieux informer les femmes enceintes ? Recommandations pour la pratique clinique.2005. Disponible sur : www.has-sante.fr

Bydlowski S. Recommandations pour la pratique clinique. Les troubles psychiques du post-partum. : dépistage et prévention après la naissance : recommandations. 2015.

Collège national des universitaires en psychiatrie. Référentiel de psychiatrie et d’addictologie. Troubles psychiques de la grossesse et du post-partum. 2e édition révisée. Tours. 2016. 592 pages. Pages 121 à 134.

Bjelica A, Cetkovic N, Trninic-Pjevic A, Mladenovic-Segedi L. The phenomenon of pregnancy – a psychological view. Ginekol Pol. 2018;89(2):102-106.

Dr Katell Faure, Matthieu Legras, Dr Anne-Sophie Chocard, Pr Philippe Duverger. Troubles psychiques de la grossesse et du post-partum. La revue du praticien. vol. 61 novembre 2011. 8 pages

Dayan J. Clinique et épidémiologie des troubles anxieux et dépressifs de la grossesse et du post-partum. Revue et synthèse. Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction. 2007;36(6):54961.

Le Crat. Item Thymorégulateurs et grossesse et neuroleptiques et grossesse. Mis à jour le 7 février 2020.

Sutter-Dallay A-L. Le lithium et la grossesse. Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique. 2014;172(3):22933.