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Métrorragies du 1er trimestre

Environ 25% des femmes enceintes présentent des saignements provenant du vagin, avant la 12e semaine d’aménorrhée. Parmi ces grossesses, 50% arrivent à terme et 50% s’interrompent.

De nombreuses étiologies peuvent expliquer ces saignements :

    • Implantation embryonnaire au sein de l’endomètre avec un hématome décidual lors d’une grossesse intra-utérine évolutive (12 % des cas).
    • Une grossesse extra-utérine (1 à 2 % des cas).
    • Une grossesse intra-utérine arrêtée (avortement spontané précoce ou fausse couche) (10 à 15 % des cas).
    • Plus rarement des lésions cervicales et vaginales : Ectropion cervical, cancer du col utérin, polypes, infections diverses.
    • Exceptionnellement : La lyse d’un jumeau (en cas de grossesse gémellaire initiale), ou une grossesse môlaire (doit toujours être envisagée si le taux de BHCG sérique est d’emblée élevé ou l’échographie en faveur).

Interrogatoire

L’interrogatoire recherchera/précisera :

Les antécédents : Une pathologie tubaire, des IST, un tabagisme, la présence d’un DIU, l’existence de malformations utérines.

La présence de signes sympathiques de grossesse : Tension mammaire, nausées plutôt matinales, fatigue, etc.

L’aspect des hémorragies : L’abondance et la couleur (sang rouge vif ? sang foncé ? pertes marrons ?).

Les douleurs pelviennes et leurs topographies : Médianes à type de contractions ou latéralisées, irradiantes vers les épaules, constantes ou par accès douloureux plus intenses.

Les symptômes associés à ces douleur pelviennes : Une syncope, une douleur thoracique, un essoufflement peuvent indiquer une anémie due à une perte importante de sang.

La durée de l’aménorrhée jusqu’à ces métrorragies pour essayer de dater la grossesse si s’en est une.

Le statut Rhésus de la patiente, afin de prévenir l’alloimmunisation rhésus, doit être renseigné devant tout saignement chez la femme enceinte. Si la femme est Rh D négative, une injection de Rophylac 200 µg devra être réalisée dans les 72h en cas de métrorragies à T1, après avoir prélevé les RAI. Le génotypage fœtal n’étant disponible qu’à partir de 11SA.

Examen clinique

Il visera à :

    • Vérifier l’état général.
    • Rechercher des signes d’hypovolémie : Pouls, pression artérielle, pâleur cutanéomuqueuse, tolérance hémodynamique.
    • Palper l’abdomen : A la recherche d’une sensibilité, d’une défense ou d’une contracture.
      La mesure de la hauteur utérine ne se réalise qu’à partir du 4e mois de grossesse.
    • Faire un examen au spéculum pour vérifier : l’aspect du col, l’abondance et l’aspect des saignements, la présence de débris ou de caillots, l’existence d’une plaie cervico-vaginale ou d’un ectropion.
    • Réaliser un toucher vaginal qui permettra de mettre en évidence : une douleur provoquée à la mobilisation utérine ou bien dans un cul-de-sac latéral ou dans le cul-de-sac de Douglas, la taille de l’utérus et son orientation, la présence d’une masse adjacente à l’utérus.

Enfin, face à des métrorragies du 1er trimestre, on complétera notre examen clinique par 2 examens complémentaires indispensables :

Un dosage biologique avec au minimum :

    • NFS : Pour identifier une anémie induite par l’hémorragie.
    • Détermination groupe ABO et rhésus de la patiente : Pour prévenir l’allo-immunisation, si la patiente n’a pas de carte de groupe.
    • Un dosage de BHCG quantitatif (voire un second pour réalisation d’une cinétique) : Si rien n’est visible à l’échographie ou si grossesse < 4-5 SA.
    • Ionogramme, urée, créatinine, bilan hépatique (Bilan pré-méthotrexate dans le cadre d’une GEU).

Une échographie pelvienne (le plus souvent réalisée par voie endovaginale à ce stade). Le sac sera visible vers 5SA. L’échographie précisera s’il existe un hématome, un épanchement visible, une masse latéro-utérine, etc.

Orientation diagnostique

L’ensemble de ces arguments nous oriente cliniquement vers une étiologie et donc une prise en charge thérapeutique :

En faveur d’un avortement spontané

 

Signes cliniques

    • La disparition rapide des signes sympathiques de grossesse.
    • Des pertes hémorragiques de sang rouge vif, avec caillots et débris.
    • Des douleurs pelviennes, à type de contractions spasmodiques semblables à des règles, qui sont souvent des douleurs expulsives.
    • Un toucher vaginal mettant en évidence des culs-de-sac libres, une mobilisation utérine indolore et un col utérin souvent mou voire ouvert et perméable au doigt.

Signes échographiques

    • Si la FC est en cours : Un sac intra-utérin souvent affaissé, avec l’absence d’embryon. La présence de caillots intra-utérin souvent visibles.
    • Si la grossesse est arrêtée : La découverte est fortuite à l’échographie avec un sac intra-utérin bien visible, sans activité cardiaque à l’échographie.
      Soit la LLC mesure plus de 7 mm sans activité cardiaque soit le sac gestationnel est sans évolutivité à plus de 5 jours d’intervalle.
    • La patiente est souvent asymptomatique.
    • A ne pas confondre avec un œuf clair : Qui correspond à une grossesse sans embryon due à une anomalie de la division embryologique, avec croissance normale des BHCG. Cela nécessite un traitement par aspiration pour analyse anatomopathologique pour certifier l’absence de grossesse molaire.
    • Une diminution du taux de BHCG rapide.

Définition

Une fausse couche spontanée est une interruption naturelle et involontaire de grossesse. Elle survient avant la 22e SA ou avant que l’embryon/le fœtus ne pèse 500g.
Si la perte de grossesse se situe au-delà, on parle d’un accouchement prématuré.
Elle est l’issue d’≈ 12 à 15% des grossesses.

On différencie la fausse couche :
– Dite précoce : quand elle se produit durant le 1er trimestre (avant 14 SA).
– Dite tardive : est observée entre 14 et 22 SA.

Les facteurs de risque de fausse couche spontanée

    • Un âge > 35 ans.
    • Des antécédents de fausse couche spontanée.
    • Un tabagisme actif.
    • La prise de toxiques ou d’excitants (cocaïne, alcool, fortes doses de caféine).
    • Une pathologie chronique mal contrôlée chez la mère (exemple : diabète, HTA, dysthyroïdie).

Rassurer la patiente :
Les fausses couches étant très fréquentes, cela n’enlève rien au traumatisme bouleversant vécu par la patiente, il est nécessaire de la rassurer et de lui apporter les informations suivantes :
– Une fausse couche isolée n’a pas de conséquences sur son avenir obstétrical et ne met pas en jeu sa fertilité.
– Dans 60% des cas, les fausses couches sont dues à des anomalies chromosomiques embryonnaires.

Évolution

    • Une majoration des métrorragies avec possible hémorragie (l’expulsion de l’œuf est parfois très hémorragique).
    • Des douleurs provoquées par la contraction utérine qui tente d’expulser la grossesse arrêtée.
    • L’ouverture du col utérin.

Traitement :

Il existe 3 options thérapeutiques, avec des avantages et des contraintes respectifs, qui doivent être expliquées à la patiente.

Le traitement par aspiration (grade A)

Est plus efficace par rapport au traitement médical, radical et plus rapide.
Elle évite la rétention et donc l’infection, ainsi que l’hémorragie imprévisible.
Il peut être réalisé en ambulatoire, sauf si complications.

Elle est indiquée lorsque :

    • La LCC mesure > 20 mm ou le sac > 40 mm.
    • Si suspicion de môle.
    • Selon le désir de la patiente.
    • S’il existe des troubles de l’hémostase.

Informations de la patiente :

Avantages :
– Efficacité fiable > 95%.

Inconvénients :
– Risques de complications précoces (< 10 % des cas) : Infections, rétention, perforation, hémorragie, traumatismes cervicaux.
– Risque per anesthésiques.
– Complications tardives :

    • Infertilité secondaire (synéchies diffuses dues à des curetages itératifs, appelé syndrome d’Asherman).
    • Trouble du cycle.
    • Douleur pelvienne.

Techniques :

Le geste est réalisé par un gynécologue obstétricien.
Il nécessite un bilan pré-opératoire et une consultation anesthésique au préalable.
La patiente est soit sous anesthésie générale ou sous anesthésie locale (par réalisation d’un bloc para cervical).

Prémédication :
– 400 μg de Misoprostol dans les 3 h qui précèdent le geste pour faciliter l’ouverture du col.
– Antibioprophylaxie per os à donner 1h avant l’aspiration à la patiente : Azithromycine 1g et Flagyl 1 g.

L’analyse anatomopathologique n’est pas réalisée systématiquement. Elle est surtout faite en cas de doute avec une maladie trophoblastique.

Devant tout saignement chez la femme enceinte il est nécessaire de prévenir l’allo-immunisation rhésus si la femme est Rh négative : si tel est le cas, on injectera une dose de gammaglobulines anti-D chez les femmes RH- (Rophylac 200 μg), le génotypage fœtal n’étant disponible qu’à partir de 11SA.

Le traitement médical (grade B)

L’objectif du traitement médical via les prostaglandines est d’induire les contractions utérines et permettre ainsi l’ouverture du col pour faciliter l’expulsion du produit de conception.

Peut être réalisé si :

    • L’œuf est de petite taille (LCC < 20 mm).
    • Les hémorragies peu importantes.
    • La patiente non hyperalgique.
    • S’il n’y a pas de suspicion de mole hydatiforme.

Un traitement médical par prostaglandines peut s’envisager. Il est efficace dans 80% des cas.

Informations de la patiente :

Avantages :
– Le risque d’infection ou d’aspiration secondaire pour rétention est similaire au traitement chirurgical.
– Elle évite les complications spécifiques de l’aspiration : Synéchies, traumatismes cervicaux, perforations.

Inconvénients :
– Douleurs plus longues mais moins intenses que pour un curetage.
– Et une durée de saignement plus longue : 5 à 15 jours voire jusqu’à 1 mois.
– Risque hémorragique aigu avec nécessité d’une aspiration en urgence (0 à 3%).
– Effets secondaires : hyperthermie, frissons, diarrhée.

La consultation anesthésique n’est pas nécessaire sauf facteurs de risque.

Techniques :

Elle consiste en la prescription de Misoprostol Gymiso® 200 μg comprimé ou MisoOne® 400 μg comprimé.
Ils se prennent par voie sublinguale ou vaginale au niveau du cul de sac vaginal postérieur (semble être plus efficace et mieux tolérée sur le plan digestif).

Précautions :

Le traitement par prostaglandines est contre indiqué en cas :
Asthme sévère.
Maladies inflammatoires coliques.

La posologie est de 400 μg per os, éventuellement renouvelée toutes les 3h si nécessaire.
Sans dépasser une dose totale de 2400 μg par 48h.
Le traitement médical peut être long avec un temps moyen d’expulsion d’ ≈10 h, on débutera donc la 1ère prise le matin.
La patiente doit être revue par son gynécologue dans les 24h en cas d’échec d’expulsion (pour renouveler le traitement 1 fois).
Elle doit être vue en urgences en cas d’hémorragie aigue.
Un contrôle échographique est fait dans les 5 à 7j pour vérifier la vacuité utérine.

S’il existe un échec incomplet ou total de l’expulsion, le gynécologue proposera soit :

    • D’attendre les prochaines règles avec un contrôle échographique juste après si la rétention est < 15mm.
    • Un traitement par aspiration, nécessaire si la rétention est > 15mm ou si la patiente désire obtenir une vacuité utérine rapidement.

Antalgiques :

Il est nécessaire de prescrire un traitement antalgique à la patiente :
– Paracétamol 1g 4x/jour et/ou AINS.
– Si insuffisant possibilité de lui prescrire un pallier 2.

Le traitement par l’expectative

Informations de la patiente :

Avantages :
– Il permet d’éviter la réalisation d’un curetage dans la plupart des fausses couches incomplètes sans majorer les risques de complications et la durée des saignements.
– Il permet aussi d’éviter les coûts du traitement chirurgical.

Inconvénients :
– Il n’est pas possible d’estimer une limite à sa durée, étant donné que le délai d’expulsion est variable (de 3j à 6 sem).
– En cas d’expulsion spontanée brutale, il existe un risque de traitement chirurgical non programmé et un risque de transfusion sanguine si les pertes sont très hémorragiques.
– Augmentation du nombre de consultations en urgence.

Est peu recommandé sauf dans le cadre des fausses couches incomplètes.
Un contrôle échographique est nécessaire à J7.
En cas de rétention prolongée, il est nécessaire de prévoir un traitement médical ou une hystéroscopie à visée diagnostique et thérapeutique.

En faveur d’une grossesse extra-utérine (GEU)

 

Définition

Une grossesse extra-utérine est une grossesse implantée en dehors de la cavité utérine et donc non viable. Elle représente 2% des grossesses.
« Toute grossesse qui saigne est une grossesse extra-utérine jusqu’à preuve du contraire ».

Signes cliniques

    • Des hémorragies peu abondantes, noirâtres.
    • Un abdomen sensible voire douloureux, souvent de manière latéralisée (une défense n’est pas toujours présente).
      Les douleurs pelviennes sont souvent sourdes rythmée par des pics plus intenses.
      Au toucher vaginal : il existe une masse latéro-utérine douloureuse, avec bombement du Douglas. La mobilisation d’un des culs de sacs peut être hyperalgique, de même que la mobilisation utérine.
    • Le col est tonique et fermé, et l’utérus n’abritant pas de grossesse intra-utérine est souvent moins développé pour le terme.

Nécessitent une prise en charge aux urgences :

    • La présence de troubles hémodynamiques (évoque une GEU rompue) : Pâleur cutanéo muqueuse, perte de connaissance, tachycardie, hypotension, soif..
    • Des scapulalgies (en faveur d’un hémopéritoine).

Signes échographiques

Signes directs :

    • Utérus gravide avec un endomètre épais (près pour la nidation) et ligne de vacuité.
    • Taux d’HCG positif (> 3500 UI/l).
    • +/- Sac gestationnel extra-utérin.

Il est anormal de ne rien voir à l’échographie lorsque l’âge gestationnel est > 5,5 SA ou si le taux d’hCG est > 1 500 UI/L.

Signes indirects :

    • Épanchement du douglas.
    • Masse latéro-utérine d’autant plus si homolatérale au corps jaune, en cocarde avec centre clair.

Dosage biologique

Taux sérique de BHCG en plateau, stagnant ou lent à augmenter (< 50% en 48h) sont en faveur.

Les facteurs de risque de GEU

    • Le tabagisme.
    • Des antécédents d’infertilité nécessitant une assistance médicale à la procréation (inséminations, FIV).
    • Les antécédents de salpingite ou de chirurgie tubaire (plastie tubaire, déligature).
    • Des antécédents de GEU.
    • Une contraception par dispositif intra-utérin ou microprogestatifs ou pilule du lendemain.
    • Maladie des cellules ciliaires

Sa prise en charge dépend du Score de Fernandez, elle ne sera pas traitée ici.
En cas de doute, la patiente doit être adressée aux urgences gynéco-obstétricales

En faveur d’une grossesse intra-utérine évolutive

 

Signes cliniques

    • Signes sympathiques de grossesse.
    • Hémorragies isolées, indolores, souvent récidivantes. Elles sont souvent due à un hématome décidual, présent entre les contours de l’œuf et la paroi utérine.

Signes échographiques

    • Sac ovulaire intra-utérin conforme à l’âge gestationnel.
    • Embryon vivant avec activité cardiaque régulière.

Dosage biologique

En cas de doute prévoir un cinétique des BHCG.
2e dosage à 48h : Taux doublé en faveur d’une GIU évolutive.

En faveur d’une grossesse môlaire (maladie trophoblastique)

 

Définition

Plus fréquente chez les femmes d’origine asiatique. Concerne 1 grossesse sur 1000.
Correspond à une anomalie de la fécondation avec excès de matériel chromosomique entrainant une prolifération et dégénérescence kystique du trophoblaste. Il n’y a pas d’embryon ou de fœtus viable.

Signes cliniques

    • Signes sympathiques de grossesse très intenses.
    • Gros utérus par rapport à l’âge de la grossesse.

Signes échographiques

    • Masse hétérogène, floconneuse, aspect classique « en tempête de neige » ou « vésiculaire ».
    • Absence d’embryon visible.
    • Ovaires polykystiques.

Dosage biologique

Taux plasmatiques d’hCG très élevés.

Conduite à tenir

Si le diagnostic est évoqué, il doit être prouvé systématiquement par examen anatomopathologique obtenu après aspiration.

Suivre la patiente jusqu’à négativation des β-hCG => si ré-ascension ou absence de décroissance, il faut évoquer une môle invasive ou un choriocarcinome (pathologie maligne nécessitant l’avis d’un gynécologue obstétricien, déclaration au centre de référence des maladies trophoblastiques).

Autres étiologies à évoquer

– Ectropion cervical.
– Plaie vaginale.
– Cancer du col de l’utérus.

Mis à jour le 26 janvier 2022.

SOURCES :

Hendriks E, MacNaughton H, MacKenzie MC. First Trimester Bleeding: Evaluation and Management. Am Fam Physician. 2019 Feb 1;99(3):166-174.

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Monseau-Thiburce A-C. Conduite à tenir devant des métrorragies au cours du premier trimestre de la grossesse. Imagerie de la Femme. 2018;28(4):2734.

Ploteau S, Philippe HJ, Winer N. Métrorragies du premier trimestre de la grossesse. EMC-Obstétrique/Gynécologie2012 ; 7(3):1-9[Article5-049-D-16]

Pr P. BOULOT, Dr F. FUCHS, Dr C. COMPAN. Cahier des protocoles Urgences gynécologiques orthogénie. PDF d’un protocole hospitalier. Edition 2019.

Beucher G, Benoist G, Dreyfus M. Prise en charge des fausses couches spontanées du premier trimestre. Gynécologie Obstétrique & Fertilité. 2009;37(3):25764.