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Apparition d’une HTA

Le suivi d’une patiente enceinte hypertendue ne relève pas d’une prise en charge en médecine générale mais bien par le gynécologue obstétricien. Néanmoins, le médecin traitant peut être acteur dans le dépistage de l’hypertension et son suivi après l’accouchement, et la patiente peut être amenée à nous interroger sur cette pathologie.

Définition

L’hypertension artérielle gravidique se définie lorsqu’une hypertension artérielle (HTA) survient pendant la grossesse à des valeurs : PAS ≥ 140 mmHg et/ou la PAD ≥ 90 mmHg. Cette hypertension apparait après 20SA et disparait avant la fin de la 6e semaine du post-partum (ou 42e jour).

Il n’y a pas de protéinurie associée ou d’atteinte d’organes.
Elle est liée à un trouble précoce de la placentation par défaut d’implantation trophoblastique au 1er trimestre, qui entraîne une insuffisance placentaire inductrice de substances vasoactives, à l’origine de l’HTA.
Il faut maintenir une surveillance étroite (avec mesure de tension artérielle bi-hebdomadaire).

C’est la 1ère cause de mortalité et morbidité maternelle chez les femmes enceintes, elle est présente dans 8 à 10 % des grossesses.

Lors des suites de couches, l’HTA met parfois plusieurs semaines à disparaître, met en théorie elle se résorbe avant la 42e jour post-partum.

A ne pas confondre avec l’HTA chronique, présente avant la grossesse, qui est constatée avant 20SA et qui persiste à plus de 6 semaines du post-partum.

Diagnostic

Au cabinet, la mesure de la pression artérielle doit être mesurée au repos, en position assise ou debout (mais pas en position de décubitus dorsal car faussement diminuée par compression de la veine cave par l’utérus), à distance de l’examen gynécologique et avec un brassard adapté à la morphologie de la patiente.

En cas d’hypertension au cabinet, celle-ci peut être confirmée à domicile par appareil d’automesure tensionnelle au repos, ou de mesure ambulatoire de la pression artérielle sur 24h (MAPA), afin de lever l’effet « blouse blanche ».

Examen clinique

Il faut tout d’abord rechercher les signes cliniques de gravité.

Maternel :

  • Signes fonctionnels d’HTA : céphalées, troubles visuels à type de phosphènes et troubles auditifs (acouphènes), barre épigastrique.
  • HTA sévère avec PAS ≥  160 mmHg ou PAD ≥  110 mmHg.
  • Réflexes ostéotendineux vifs, diffusés et polycinétiques.
  • BU : protéinurie massive.

Fœtal :

  • Si l’on dispose d’un doppler fœtal, il peut mettre en évidence l’existence d’un retentissement fœtal s’il y a une diminution des bruits du cœurs.
  • On demandera également à la patiente si elle a l’impression d’une diminution des mouvements actifs fœtaux.
  • Et on mesurera la hauteur utérine : si elle est inférieure à la normale pour l’âge gestationnel, cela fait suspecter un RCIU.

Examens complémentaires

Le seul examen indispensable est la recherche d’une protéinurie sur échantillon ou sur un recueil des urines de 24 heures (normale <  300 mg/24 h).

Les autres examens sont réalisés en présence de signes de gravité et permettent le diagnostic des complications de la prééclampsie :

  • HELLP syndrome si association d’une anémie hémolytique, d’une cytolyse hépatique et d’une thrombopénie => on demandera donc : NFS, plaquettes, haptoglobine, LDH, schizocytes, transaminases.
  • CIVD => TP, TCA, fibrinogène, D-dimères, complexes solubles et produit de dégradation de la fibrine.
  • Insuffisance rénale => ionogramme sanguin ± urinaire.
  • Le gynécologue obstétricien qui suit la patiente réalisera des échographies obstétricales rapprochées.

Traitements

En cas d’HTA légère ou modérée, sont prescrits :

  • La surveillance en externe, avec du repos (pouvant nécessiter un arrêt de travail).
  • Un traitement par antihypertenseur en monothérapie orale, surtout lorsque la patiente présente des antécédents cardiovasculaires, du diabète gestationnel, une pathologie rénale chronique ou un niveau de risque cardiovasculaire élevé en prévention primaire.
    L’indication et l’intérêt de l’antihypertenseur sont discutés chez la femme enceinte avec HTA légère ou modérée car il influence peu le pronostic, l’HTA n’étant qu’un symptôme d’une maladie polyviscérale. Son objectif est surtout d’éviter les à-coups hypertensifs, l’HTA sévère et ses complications. De plus, un traitement excessif peut induire une hypotension maternelle et ainsi provoquer une hypoxie fœtale en réduisant la perfusion utéroplacentaire.
    Les objectifs tensionnels sont une PAS comprise entre 140 et 155 mmHg et une PAD comprise entre 90 et 105 mmHg.

Sont contre-indiqués :

  • Le régime sans sel et les diurétiques : car ils majorent l’hypovolémie (déjà présente chez la femme enceinte hypertendue) et réduisent la perfusion utéroplacentaire du fait de la diminution du volume circulant.
  • Les IEC et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II, doivent être arrêtés sitôt la grossesse diagnostiquée, si possible même remplacés en pré-conceptionnel car ils sont foetotoxiques et provoquent une atteinte irréversible de la fonction rénale fœtale, quel que soit le terme de la grossesse.
  • Les bêtabloquants sont à éviter (car il existe un risque augmenté de RCIU, d’hypoglycémie néonatale, de bradycardie néonatale et d’hypotension néonatale).

Sont utilisables :

En 1re intention (HTA chronique ± gravidique) : antihypertenseurs centraux (alphaméthyldopa, contre-indiquée en cas d’insuffisance hépatique).

En 2e intention (prééclampsie) :

  • Les inhibiteurs calciques (nicardipine, nifédipine).
  • Les alpha et bêtabloquants (Urapidil ou labétalol, présentant moins d’effets secondaires que les bêtabloquants, possède à la fois des propriétés α- et β-bloquantes ( 100 à 200 mg, 1 à 3 x/jour maximum) et peut être associé en cas de bithérapie).

Toute hypertension chez la femme enceinte après 20SA, requière une surveillance renforcée avec une consultation tous les 10 jours environ, un bilan biologique régulier, et une échographie mensuelle avec Doppler utérin (à 22 SA, à contrôler si pathologique).
Afin d’optimiser le parcours de soins entre les différents professionnels de santé intervenant dans le suivi, il est vivement conseillé à la patiente d’avoir un carnet de suivi avec les valeurs de ses tensions artérielles répertoriées régulièrement.

En cas d’HTA sévère, définie par une PAS ≥ 160 mmHg et/ou une PAD ≥ 110 mmHg, la patiente nécessite une hospitalisation immédiate.

Complication

Le diagnostic précoce de l’hypertension artérielle gravidique et son traitement préviennent la survenue d’une pré-éclampsie et des complications qui en découlent.

Les complications maternelles :

  • Crise d’éclampsie.
  • HELLP syndrome (Hemolysis, Elevated Liver enzymes, Low Platelets).
  • Hématome rétroplacentaire (HRP).
  • Coagulation intravasculaire disséminée (CIVD).
  • Plus rarement : insuffisance rénale aiguë, hématome sous-capsulaire du foie, rétinopathie hypertensive, hémorragie cérébroméningée à l’occasion d’une poussée hypertensive.

Les complications fœtales :

  • Un retard de croissance intra-utérin (RCIU).
  • Une MFIU consécutive à un RCIU sévère ou à l’occasion d’un accident aigu (éclampsie, HRP).
  • Une prématurité, induite pour sauvetage maternel ou fœtal.

POST-PARTUM

Examens complémentaires

Il faut réaliser un bilan vasculorénal à 3 mois du post-partum avec :

  • Un suivi tensionnel au long cours.
  • Un bilan biologique avec : créatininémie, protéinurie ou albuminurie des 24 heures.

Avis spécialisé

On se référera à un cardiologue ou un néphrologue si l’HTA ou la protéinurie sont persistants (3 mois après l’accouchement). Il existe en effet un risque cardiovasculaire et rénal ultérieur non négligeable en cas d’HTA gravidique, qui nécessite de veiller au contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires (diabète, dyslipidémie, tabagisme, surpoids ou obésité).

En cas d’allaitement maternel, si l’HTA persiste, on privilégiera une de ces molécules :

  • Les bêtabloquants (labétalol, propranolol).
  • Les inhibiteurs calciques (nicardipine, nifédipine).
  • L’alphaméthyldopa.
  • Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (bénazépril, captopril, énalapril, quinapril).

Pas d’Urapidil avec l’allaitement.

Prescription d’une contraception

On préférera un DIU au levonogestrel ou les microprogestatifs.
Les oestroprogestatifs sont à éviter, ils pourront être donnés à partir de la 6e semaine seulement en l’absence de facteurs de risque, d’anomalies biologiques et s’il n’y a pas d’allaitement maternel.

En cas d’hypertension non stabilisée, on préférera une contraception non hormonale.

Prévention

Un antécédent d’HTA gravidique peut récidiver lors d’une prochaine grossesse. Ce risque de récidive est non négligeable puisqu’il est d’environ 1 patiente sur 5.

De plus, Un antécédent d’HTA gravidique expose à un risque d’HTA chronique ainsi qu’à un risque accru de pathologies cardiovasculaires et rénales, d’où l’importance d’un suivi ultérieur adapté.

Une prévention par aspirine à faible dose avant 16 SA (100mg/jour) lors des prochaines grossesses, sera à discuter avec son gynécologue (si RCIU sévère, prématurité ou pré-éclampsie).

Chez une patiente fumeuse, on veillera à l’arrêt du tabagisme, afin de diminuer au maximum ses facteurs de risque cardio-vasculaire.

Mis à jour le 8 janvier 2022.

SOURCES :

François Feihl, Bernard Waeber, Pierre-Antoine Pradervand, Yvan Vial. Hypertension et grossesse. Revue Médicale Suisse. 2009; volume 5. 1758-1762. Disponible sur : https://www.revmed.ch/RMS/2009/RMS-216/Hypertension-et-grossesse

J. Jaafar, A. Ditisheim, A. Pechère-Bertschi. Hypertensions gravidiques : considérations pratiques [Internet]. Revue Médicale Suisse. 2014; volume 10. 1645-1649. Disponible sur : https://www.revmed.ch/RMS/2014/RMS-N-441/Hypertensions-gravidiques-considerations-pratiques

Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF), Hypertension artérielle gravidique : Item 23. Elsevier Masson ; 4e édition 2018. Chapitre 23. Pages 319 à 324.

Moonen M, Legrand D, Lancellotti P. Recommandations Européennes 2011 pour la prise en charge des maladies cardiovasculaires pendant la grossesse. Partie 2: Prise en charge de l’hypertension artérielle [2011 European guidelines for the management of cardiovascular diseases during pregnancy. Part II: management of hypertension]. Rev Med Liege. 2012 Oct;67(10):509-12.

CNGOF. Recommandations pour la pratique clinique. Prise en charge multidisciplinaire des formes graves de prééclampsie. 27 janvier 2009. Page 9.