Allo-immunisation
Sommaire
Physiopathologie
Épidémiologie
But et indications du Rhophylac : Traitement préventif
Conduite à tenir
Conséquences
Post-partum
Physiopathologie
Chez la femme, il faut être vigilant au développement d’une immunisation érythrocytaire.
Cela suppose :
- Un contact entre un antigène de groupe sanguin et l’organisme qui ne le possède pas.
- La synthèse consécutive d’anticorps maternels spécifiques de l’antigène qu’elle ne possède pas => réponse immunitaire primaire.
- Les IgG synthétisées sont prêtes, et capables de franchir la barrière placentaire.
Elles provoquent la formation de complexes immuns responsables d’une hémolyse => réponse immunitaire secondaire.
Les circonstances/facteurs de risque pouvant donner lieu à cette immunisation sont :
- Traumatisme : prélèvements ovulaires (amniocentèse, choriocentèse, cordocentèse), chirurgie mobilisant l’utérus (laparotomie, cerclage), traumatisme abdominal, version par manœuvre externe.
- Hémorragies : métrorragie, décollement placentaire, avortement spontané, interruption volontaire de grossesse, grossesse extra-utérine, l’accouchement.
- MFIU.
Il existe différentes formes d’incompatibilité fœtomaternelle érythrocytaire.
Celle qui peut être prévenue en France est l’incompatibilité Anti-Rh1(D) :
15 % en moyenne de la population française féminine, ne possède pas le facteur rhésus de type D et sont dites Rh(D) négatif.
Or, si le fœtus est RhD-positif, la mère peut synthétiser des anticorps contre cet antigène considéré étranger pour son système immunitaire. Cette première réaction dure habituellement 2-3 semaines.
Lors du premier contact, les hématies fœtales Rh(D) positif ne sont pas détruites, et cette réaction est en général asymptomatique.
En revanche, si une seconde rencontre de globules rouges Rh(D) positif se produit (notamment lors d’une grossesse ultérieure), une réaction hémolytique immédiate peut se produire.
Épidémiologie
La proportion des femmes RhD-négatif est variable en fonction de l’ethnie, mais retenons qu’environ 15 % des femmes d’origine caucasienne le sont. Les incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires (IFME) Rhésus D sont rares : 0,9 pour 1000 naissances et peuvent être prévenues.
L’antigène RH1 est le plus immunogène des antigènes érythrocytaires et ces IFME sont symptomatiques dans 50% des cas.
L’allo-immunisation la plus fréquente est l’incompatibilité fœtomaternelle érythrocytaire ABO avec 4/1000 naissances mais les formes graves sont rares (0,5 à 2 pour mille naissances).
Le reste des incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires sont représentées par les anti-RH4 (petit c), RH3 (E) et anti-KEL1, les autres sont exceptionnelles :
Spécificité des allo-anticorps courants et risque engendrés, d’après le CNRHP (Paris 2011).
But et indications du Rhophylac : Traitement préventif
Le Rhophylac se présente sous forme de seringue pré-remplie et prête à l’emploi, contenant des immunoglobulines spécifiques en quantité suffisante, isolées à partir de plasma humain. Le principe actif du Rhophylac est une immunoglobuline anti-D (Rh), cet anticorps est dirigé contre le facteur Rhésus de type D. Les immunoglobulines anti-D (Rh) contenues dans ce médicament vont détruire les globules rouges étrangers Rh(D) positif immédiatement
Pour éviter l’iso-immunisation contre le facteur Rhésus de type D, le traitement par Rhophylac doit être initié suffisamment tôt (<72h), après le premier contact avec les globules rouges Rh(D) positif. Ainsi, le système immunitaire de la patiente n’aura pas le temps nécessaire pour synthétiser ses propres anticorps.
Indications thérapeutiques du Rhophylac :
La prophylaxie par immunoglobuline anti-D concernent toutes les patientes RhD(-) présentant ces facteurs de risque au cours de leur grossesse :
- Fausse couche spontanée / menace de fausse couche / MAP nécessitant un traitement.
- Grossesse ectopique (GEU) / môle hydatiforme (grossesse môlaire).
- Toute interruption de grossesse (IVG, IMG), indépendamment du terme.
- Métrorragies à T1/T2/T3.
- Gestes invasifs : amniocentèse, cerclage cervical, biopsie de villosités choriales ou manœuvres obstétricales (versions) – Traumatisme abdominal.
- Prophylaxie ciblée anténatale systématique : pour prévenir les immunisations anti-D, résultant d’hémorragies fœto-maternelles silencieuses au 3e trimestre et à l’accouchement.
Il n’y a pas de limite inférieure d’âge gestationnel pour la réalisation de la prévention.
Avant toute injection de Rhophylac®, il est nécessaire de prélever une RAI (sans attendre le résultat) pour s’assurer a posteriori de l’absence d’immunisation.
- Hypersensibilité aux immunoglobulines humaines ou à tout composant de ce médicament.
- Contre-indication à une injection intra-musculaire : prise d’anticoagulant, thrombopénie importante ou trouble sévère de la coagulation. L’injection peut alors aussi se faire par voie IV.
Quel dosage ? La prévention de l’allo-immunisation est protocolisée :
Au 1er trimestre : Une injection de 200 µg de Rhophylac (par voie IV ou IM) est justifiée pour tous les événements détaillés ci-dessus.
Un test de Kleihauer n’est pas nécessaire avant l’injection d’Ig anti-D.
Au 2e trimestre : Si l’évènement est à risque de passage important d’hématies fœtales dans la circulation sanguine maternelle, un test de Kleihauer sera réalisé (ce test permet la quantification des hématies fœtales).
Une injection de 200 µg de Rhophylac suffit.
Indications de réalisation du test de Kleihauer à T2 et T3 d’après le réseau périnatal AURORE.
Au 3e trimestre : une injection de 300 µg de Rhophylac® est systématique à 28 SA (± 2 semaines) chez les patientes RhD(-) afin de réduire l’incidence de la formation d’anticorps.
Si l’injection systématique n’a pas été réalisée à 28SA, la patiente peut se voir proposer une injection :
- De 300 µg entre 28 et 32 SA.
- De 200 µg après 32 SA.
Dans les 72 h qui suivent l’accouchement : si le fœtus est RhD(+).
La posologie déprendra du test de Kleihauer
Cette injection sera donc la plupart du temps réalisée à la maternité, mais il est de notre devoir de s’assurer que la patiente a bénéficié de cette injection si elle est Rh(D)-négatif, et le nouveau-né Rh(D)-positif. En cas d’oubli d’administration d’immunoglobuline anti-D dans les 72 premières heures, l’injection peut être réalisée jusqu’à 30 jours après l’accouchement.
En effet, le risque d’allo-immunisation Rhésus D pendant ou immédiatement après une première grossesse est d’environ 1 %, ce risque est réduit à 0,2 % après injection de Rophylac®.
Informations utiles :
Lorsqu’une nouvelle circonstance anténatale justifie une immunoprophylaxie ciblée alors qu’une première administration de Rhophylac® a été réalisée, on peut s’abstenir de renouveler la prophylaxie selon un délai qui est fonction de la dose antérieurement reçue :
- 9 semaines pour 200 µg.
- 12 semaines pour 300 µg.
Lors de toute injection d’immunoglobulines anti-D (Rhophylac®), le nom du produit et le numéro de lot doivent être notés dans le dossier de la patiente.
Conduite à tenir
Le dépistage de la maladie hémolytique périnatale repose sur la recherche des agglutinines irrégulières (RAI), qui sont des anticorps anti-érythrocytaires (disponible dans les Outils Pratiques).
– D’antécédent transfusionnel (valable pour toutes les femmes).
– Chez une patiente avec un rhésus négatif et un génotypage RhD fœtal positif ou indéterminé :
- Une double détermination de groupe sanguin RhD (une à l’EFS) et une recherche d’agglutinines irrégulières (RAI) doivent être obtenues dès le 1er trimestre de la grossesse chez toutes les femmes.
- A 6 mois (entre 26 et 28SA).
- En cas de Rhophylac non réalisé à 28SA => une RAI doit être faite du 8e mois de grossesse jusqu’à l’accouchement
Si l’injection d’Ig anti-D a été réalisée, il n’est pas nécessaire de répéter par la suite les RAI jusqu’à l’accouchement. - Avant toute injection de Rhophylac®, il est nécessaire de prélever une RAI (sans attendre le résultat) pour s’assurer a posteriori de l’absence d’immunisation.
En tout début de grossesse, une détermination du groupe sanguin du père peut s’avérer nécessaire si la mère est RhD(-). Si le père est de groupe RhD(+) ou inconnu, il est recommandé d’effectuer un génotypage rhésus fœtal à partir de 11 SA, que la grossesse soit monofœtale ou multiple.
Indications : Cet examen est possible pour :
– Toutes les patientes enceintes de groupe Rhésus D négatif.
– Lorsque la mère a déjà eu une immunisation anti-Rhésus-D.
But : C’est un test génétique effectué par PCR qui permet de déterminer de manière non invasive à partir de sang maternel, si le fœtus est porteur du gène RHD (RH :1) ou s’il en est dépourvu (RH :-1).
Et donc limiter le recours aux injections de Rhophylac® (qui reste un produit dérivé du sang) et de prévoir les modalités de suivi et prise en charge de la grossesse.
Coût : Cette analyse est prise en charge par la Sécurité Sociale depuis le 13 Juillet 2017, c’est un examen biologique qui coute environ 70€. C’est donc un examen couteux qui ne sera réalisé qu’avec la prescription d’un médecin ou d’une sage-femme.
Renseignements : Nécessaire de préciser l’origine géographique familiale de la mère.
Consentement : Comme toute analyse génétique, il est nécessaire de joindre le consentement signé, après informations éclairées apportées à la mère.
Quels documents remplir ?
- Le bon de demande d’examen (disponible dans les Outils Pratiques).
- La fiche de recueil du consentement éclairé.
- Un résultat d’analyse indiquant le groupe sanguin de la patiente.
Date de réalisation : A partir de 11-12 SA.
Algorithme décisionnel. Crédit : brochure du laboratoire d’analyses médicales Cerba.
Si le statut RhD est toujours indéterminé lors du 2e prélèvement à 15 jours du 1er génotypage, une prévention de l’immunisation par l’injection d’immunoglobulines anti-D est indiquée.
RAI négative : L’absence d’agglutinine irrégulière élimine toute atteinte fœtale.
RAI positive : L’identification et la quantification de l’agglutinine par le laboratoire permet de savoir s’il s’agit d’une situation à risque d’incompatibilité sanguine fœto-maternelle (cf tableau Spécificité des allo-anticorps courants et risque engendrés).
Cette positivisation des RAI au cours de la grossesse témoigne de la survenue d’alloimmunisation.
Le suivi en médecine générale ne sera plus possible. Il faudra alors organiser la surveillance fœtale auprès d’un gynécologue obstétricien, pour surveillance échographique régulière et anticiper la prise en charge néonatale.
Une prise en charge transfusionnelle maternelle sera possible.
Il faudra s’assurer que la grossesse est en situation d’incompatibilité : en vérifiant le phénotype du conjoint et le génotype fœtal.
Conséquences
L’allo-immunisation érythrocytaire peut se voir à partir de 15 SA au minimum jusqu’à 3 mois en post-natal. Elle peut engendrer un risque d’anémie fœtale et néonatale sévère, conséquence de l’immunohémolyse des érythrocytes.
En anténatal la surveillance échographique peut montrer des signes d’hémolyse, un tableau d’anasarque, pouvant aller jusqu’à une MFIU.
Une vélocimétrie doppler de l’artère cérébrale moyenne sera réalisée pour préciser le degré d’anémie fœtale.
En post-natal, cela peut se traduire par :
- Un ictère à bilirubine libre (produit de dégradation de l’hémoglobine), toxique sur les noyaux gris centraux.
- Une anémie régénérative progressive.
- Une hépatosplénomégalie.
- Une anasarque.
- Des anomalies du RCF et difficultés d’adaptation.
La prise en charge thérapeutique fœtale ou néonatale ne sera pas traitée ici.
Post-Partum
A 6 mois de l’accouchement, on vérifiera l’absence d’allo-immunisation avec une RAI chez les femmes ayant reçu une dose de Rophylac :
- Si la RAI est négative alors cela signifie que la prévention a été efficace.
- En revanche si la RAI est positive il est nécessaire de se faire confirmer par l’EFS s’il y a eu immunisation ou non.
A savoir : L’injection d’Ig anti-D peut diminuer l’efficacité des vaccins vivants comme le ROR, il est donc conseillé de reporter les vaccins à 3 mois de l’injection du Rophylac®.
Mis à jour le 23 février 2022.
Dr A. Cortey. Alloimmunisations anti-érythrocytaires Diagnostic et prise en charge néonatale. DESC Néonatologie Séminaire Hématologie. 2011. 29 pages.
http://cnrhp.fr/allo-immunisation-neonat.pdf
B. Branger, N. Winer. Prévention de l’allo-immunisation Rhésus-D fœto-maternelle – Épidémiologie de l’allo-immunisation anti-D pendant la grossesse [Internet]. EM-Consulte. Disponible sur: https://www.em-consulte.com/article/118015/prevention-de-l-allo-immunisation-rhesus-d-f?to-ma
C. d’Ercole. Allo-immunisation foetomaternelle érythrocytaire [Internet]. EM-Consulte. [cité 21 mars 2021]. Disponible sur: https://www.em-consulte.com/article/223387/allo-immunisation-foetomaternelle-erythrocytaire
Crowther CA, Middleton P, McBain RD. Anti-D administration in pregnancy for preventing Rhesus alloimmunisation. Cochrane Database of Systematic Reviews 2013, Issue 2. Art. No.: CD000020. DOI: 10.1002/14651858.CD000020.pub2
Zineb B, Boutaina L, Ikram L, Driss MR, Mohammed D. Alloimmunisation fœto-maternelle Rhésus grave à propos d’un cas et revue de la littérature [Serious materno-fetal alloimmunization: about a case and review of the literature]. Pan Afr Med J. 2015;22:137. Published 2015 Oct 14. doi:10.11604/pamj.2015.22.137.3508
Décret n° 92-143 du 14 février 1992 relatif aux examens obligatoires prénuptial, pré et postnatal. Journal Officiel n° 40; paru le 18 février 1992. p. 2505. : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000540419&fastPos=1&fast ReqId=833565985&categorieLien=id&oldAction=rechTexte)
HAS. Prévention de l’allo-immunisation fœto-maternelle Rh(D) chez les femmes Rh(D)- négatif. Commission de la transparence à propos du Rophylac. 31 mars 2010. 5 pages.
HAS. « Suivi et orientation des femmes enceintes en fonction des situations à risque identifiées » Recommandations. Mise à jour Mai 2016.
Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français. Prévention de l’allo-immunisation Rhésus D chez les patientes de groupe Rhésus D négatif. Groupe d’experts. Mise à jour de décembre 2017 des recommandations pour la pratique clinique du CNGOF de 2005.
Toly-Ndour C, Huguet-Jaquot S, Delaby H, Maisonneuve E, Cortey A, Mailloux A. Quantification des anticorps anti-érythrocytaires chez la femme enceinte. Revue de Biologie Médicale 2019 ;347 :1-18.
Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Prévention des risques fœtaux : infections, médicaments, toxiques irradiations. Allo-immunisation antiérythrocytaire. Item 26. Elsevier Masson 4e édition. 2018. Pages 372 à 377.
Base de données publique des médicaments. Notice Rhophylac 300 microgrammes/2 ml. [cité 22 mars 2021]. Disponible sur: http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr/affichageDoc.php?specid=68484547&typedoc=N